Michael Mann a signé des thrillers urbains, la meilleure part de son œuvre, dans lesquels chaque élément de la mise en scène semble procéder à une déréalisation volontaire d’un matériau documentaire. Les nappes sonores et musicales, les strates d’images flottantes, les plans hyper composés parviennent à créer des films atmosphériques et planants, véritables rêves éveillés percés d’éclairs de violence. Le cinéaste réputé pour son perfectionnisme semble parfois hésiter entre l’efficacité dramatique et la quête de la pure expérience sensitive, le besoin de raconter une histoire solide avec des vedettes (nous sommes à Hollywood et un film doit rapporter de l’argent) et le désir de composer des plans vertigineux à la manière d’un peintre, d’un musicien, d’un architecte, d’un artiste. Ainsi, Collatéral (Collateral, 2004), l’un de ses plus gros succès commerciaux, peut être apprécié comme un polar captivant rythmé par des scènes d’action de plus en plus spectaculaires, et des rebondissements de scénario de plus en plus invraisemblables, avec une star au sommet de son charisme et parfait dans un contre-emploi de tueur à gages froid et impitoyable (Tom Cruise). Mais Collatéral est avant tout un magnifique poème visuel consacré à Los Angeles la nuit, et cela fait toute la différence entre le film de Michael Mann et n’importe quel polar américain, aussi réussi soit-il. Pionner de la HD à Hollywood, Mann utilise pour la première fois une caméra Thomson Grass Valley Viper FilmStream modifiée, exclusivement pour les scènes d’extérieurs nocturnes qui constituent une large partie du film, qui se déroule pendant une seule nuit dans plusieurs quartiers de Los Angeles. Mann relève le nouveau défi d’un tournage en numérique avec une inventivité et une maîtrise éblouissantes, qui confèrent à ses images une texture si particulière, dans les noirs et les gris bleutés. L’apparition furtive d’un coyote perdu sur la route, dont le pelage gris et la solitude renvoient directement au personnage de Vincent (Cruise) et à sa destinée, demeure un moment inoubliable dans la filmographie de Michael Mann.
Diffusion dimanche 12 mai à 21h sur ARTE.
Qu’avez-vous pensé de Ferrari ?
Pour ma part, j’ai été très déçu bien qu’étant un admirateur de ses précédents films (en particulier à partir de Heat jusqu’à Public Enemies, avec une prédilection pour Révélations et Miami Vice), Black Hat était déjà en deçà de son talent (la faute à son acteur complètement insignifiant qui m’a plombé tout le film) malgré son sujet totalement « mannien ».
Mais Ferrari, c’est encore pire (je lui préfère même La Forteresse noire). Mann, qui a su si bien filmer Los Angeles, Chicago, l’Asie du Sud… s’est perdu dans cette Europe de carte postale.
Il échoue doublement, un film d’action sans rythme, sans souffle et un film mélodramatique d’une froideur comme l’Italie en a rarement connue.
j’ai trouvé Ferrari horrible !
COLLATERAL, film encore un peu mésestimé dans la carrière de Mann, à sa sortie en 2004 je me souviens qu’il avait été parfois même considéré comme « mineur » par certains, du moins par rapport aux amples « fresques » qui le précédaient (ALI, REVELATIONS et bien sûr l’inévitable HEAT..) , ça n’en reste pas moins une « commande » de rêve:
la ville de Los Angeles comme on ne l’a jamais vue et ressentie au cinéma avant ou après, un rythme parfait, une musique efficace, un récit et des personnages intrigants, un casting impeccable (Jamie Foxx, Mark Ruffalo, Jada Pinkett Smith, Barry Shabaka Henley et Tom Cruise étonnant dans son meilleur rôle peut-être). Un de mes plus beaux souvenirs de grand écran des années 2000. Je n’ai pas encore vu l’apparemment clivant FERRARI -quoi qu’on pense du film, la non sortie dans les salles de cinéma française est attristante- mais je défends encore le mal aimé HACKER et cet ovni unique qu’est LA FORTERESSE NOIRE, film que je désespère de voir ressortir en salle et en Blu Ray!
Je défends aussi Hacker où il y avait de beaux moments de mise en scène et La Forteresse noire, film-monstre à la production hasardeuse et massacré au montage il me semble.
Oui selon Michael Mann LA FORTERESSE NOIRE a été massacré au montage, c’est ce qu’il déclarait dans un entretien pour les Inrockuptibles à la sortie de HEAT en 1996. Même s’il en reconnait les qualités visuelles Mann ne s’attarde jamais sur ce film dans ses interviews… je suppose que l’échec commercial et critique à la sortie américaine, et le décès en post production du spécialiste des effets spéciaux Wally Veevers ont dû également jouer sur son ressenti. C’est dommage, car c’est un film singulier dans la production de son époque, et pour ceux qui apprécient le style de Mann des années 80, les liens thématiques et formels avec le superbe MANHUNTER sont assez évidents! Que pensez-vous des « Director’s cut » des films de Mann (ceux qui sont disponibles en Blu ray/Dvd ( MANHUNTER, LE DERNIER DES MOHICANS, ALI, MIAMI VICE et BLACKHAT) ?
Mann ne fera sans doute jamais rien pour restaurer La Forteresse noire pour les raisons que vous évoquez. J’ai vu les films que vous citez en salle au moment de leurs sorties mais je ne connais pas les « director’s cuts »
quelles sont les différences ?
De ce que je me souviens, dans les « Director’s cut » que j’ai eu l’occasion de voir:
dans MANHUNTER il y a deux scènes intimistes en plus avec le personnage de Molly Graham/Kim Greist, un entretien de Will Graham/William Petersen avec le Dr Chilton/Benjamin Hendrickson avant sa première confrontation avec Lektor/Brian Cox. une scène ambigüe avant l’épilogue de la plage où Will Graham rend visite à la famille qui aurait dû être sélectionnée par le tueur Francis Dollarhyde/Tom Noonan.
dans MIAMI VICE une scène de course de bateaux en ouverture, très joliment filmée mais peu utile à la narration (le montage cinéma commençait directement dans la boite de nuit), des scènes intimistes additionnelles avec Isabella/Gong Li et Trudy/Naomie Harris, l’ajout (à mon sens malheureux) du remix d' »In the air tonight » sur la scène tendue précédant la fusillade finale.
Dans THIEF une scène de discussion entre Frank/James Caan et un pêcheur après le premier braquage, avec les premiers plans de mer chers à Mann, scène absente me semble-t-il du montage cinéma/télé d’époque. Un montage différent de la fusillade finale.
Dans LE DERNIER DES MOHICANS des plans de bataille additionnels, une réaction différente de Cora/Madeleine Stowe après le suicide de sa soeur Alice/Jodhi May et le monologue final plus long de Chingachgook/Russell Means.
Dans BLACKHAT l’ordre des attentats/piratages de la centrale et de la Bourse est inversé, il y a une scène de filature ajoutée, la scène dans le taxi avec Lien/Tang Wei et le rendez-vous avec les « bad guys » dans le building avant le climax ont été supprimés, il y a des plans/scènes en plus avec Lien/Tang Wei.
Dans le « Director’s cut » d’ALI il y a un peu plus de références au contexte politique de l’époque, et l’ajout d’une voix off sur la course d’Ali à Kinshasa.
Il me semble qu’en vidéo il n’y a que REVELATIONS, COLLATERAL et PUBLIC ENEMIES qui n »ont pas été « retouchés » par Mann. Je ne me souviens pas avec certitude des plans/scènes ajoutés ou supprimés, mais en général les remaniements des montages cinéma sont subtils,, il n’y a pas de bouleversements narratifs majeurs (à part l’ordre des attentats inversé dans BLACKHAT. Je pense qu’Imdb doit recenser toutes les différences entre tous les montages disponibles.
Merci pour toutes ces précisions !
Bonjour
Avez-vous prévu une rediffusion du film ?
Bonjour
je suis désolé mais il n’y a pas de rediffusion prévue pour ce film