Olivier Père

Snobs ! et Un linceul n’a pas de poches de Jean-Pierre Mocky

La redécouverte de la meilleure part de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky se poursuit avec une seconde salve de films réalisés dans les années 60, 70 et 80, à voir gratuitement sur ARTE.tv et la chaîne cinéma d’ARTE sur YouTube, du 1er novembre 2023 au 30 avril 2024. Morceaux choisis.

 

Snobs !, réalisé en 1961, est le troisième long métrage de Jean-Pierre Mocky, et constitue le point inaugural de sa contribution au genre comique. Le directeur d’une compagnie industrielle meurt noyé dans une cuve de lait. Éclate alors une guerre de succession où tous les coups sont permis entre ses quatre adjoints, aux tempéraments très différents. Mocky assume son goût du grotesque et de l’absurde, et invente un style très personnel de comédie triviale et antinaturaliste. Le cinéaste propose une charge virulente contre le snobisme et surtout contre l’hypocrisie et l’arrivisme. Il imagine une série de rebondissements cocasses et une savoureuse galerie de portraits. Les gags chez Mocky sont autant visuels que langagiers. Son humour de satiriste l’amène à affubler ses personnages de tics et de traits de caractère ridicules. Snobs ! réunit une pléiade d’acteurs qui s’en donnent à cœur joie, et deviendront des fidèles complices du cinéaste, à commencer par Francis Blanche et Michael Lonsdale.

 

Un linceul n’a pas de poches (1975) appartient à la série des polars dans lesquels Mocky tient le rôle principal (Solo, L’Albatros, La Machine à découdre) et qui répondent au même canevas scénaristique : un homme seul et idéaliste est confronté à la corruption et à la connerie ordinaire. Le goût du grotesque du cinéaste y croise son romantisme anar. Un linceul n’a pas de poches s’inspire d’un roman de l’écrivain américain Horace MacCoy. Mocky y interprète un journaliste qui lance sa propre parution pour mieux dénoncer les magouilles politiciennes, les crimes et les scandales dans une ville de province. Mocky n’a pas la prétention de réaliser un film-dossier, dans la tradition des fictions de gauche des années 70 signées Costa-Gavras ou Yves Boisset. Il choisit le ton de la farce grinçante, et dresse un tableau au vitriol de la France giscardienne. Amoureux des seconds couteaux et des monstres sacrés du cinéma français, Mocky s’entoure d’une armada de comédiens du terroir – c’est le dernier rôle de Francis Blanche, qui décèdera quelques mois avant la sortie du film. Par sa longueur (plus de deux heures), sa noirceur et son ambition Un linceul n’a pas de poches dénote un peu dans la carrière de Mocky. C’est son chef-d’œuvre maudit, sanctionné par un échec public, mais dont le thème musical principal, Dolannes mélodie, interprété à la trompette par Jean-Claude Borelly, fut un succès dans les hit-parades européens.

 

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