C’est l’année Delphine Seyrig avec la réédition de Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, deux livres (signés Virginie Apiou chez Actes Sud et Jean-Marc Lalanne chez Capricci), un coffret Blu-ray (chez ARTE Editions) et aussi un cycle sur ARTE.tv avec quatre films magnifiques : L’Année dernière à Marienbad, Le Charme discret de la bourgeoisie, Les Lèvres rouges et Peau d’âne. Retour sur deux d’entre eux.
L’année dernière à Marienbad, réalisé par Alain Resnais et écrit par Alain Robbe-Grillet en 1961, est célèbre pour l’ambiguïté de sa structure narrative, sa dimension onirique et la confusion qu’il entretient entre réalité et illusion. La forme du film, réfractaire au réalisme et à la psychologie, confère à l’intégralité de ce qui se déroule sous nos yeux un statut indécidable et achronique. Les personnages sont-ils des mondains oisifs ou alors des fantômes, des statues ou des automates ? Il est impossible de savoir si nous assistons aux retrouvailles floues de deux amants ou au déni traumatique d’une agression sexuelle. Monument labyrinthique et baroque de la modernité cinématographique, à la fois voyage mental et jeu intellectuel, L’Année dernière à Marienbad explore l’imaginaire et les potentialités du récit, les paradoxes du temps et de la mémoire au même titre que d’autres œuvres majeures de Resnais comme Providence ou Smoking/No Smoking.
Dix ans plus tard, Harry Kümel transpose avec Les Lèvres rouges la légende de la comtesse Báthory dans la Flandre contemporaine. Cet admirateur de Sternberg signe une œuvre à la beauté envoûtante dont l’esthétisme glacé emprunte à la peinture symboliste belge du XIXème siècle. Les lèvres rouges, qui baigne dans une atmosphère érotique et décadente, est un précurseur du cinéma bis arty avant que cela devienne la mode. De nouveau captive d’un hôtel de luxe, Delphine Seyrig y interprète avec beaucoup d’humour et d’élégance une extraordinaire vampire lesbienne. Les Lèvres rouges doit beaucoup au charme vénéneux de l’actrice, qui campe une créature féminine échappée d’un film de Resnais ou de Duras et égarée dans un film de Jean Rollin. Il faut également mettre au crédit de cette réussite du cinéma fantastique européen la très belle musique de François de Roubaix, toujours inspiré pour composer des mélopées entêtantes et tristes.
Cycle Delphine Seyrig sur ARTE.tv du 1er octobre 2023 au 31 mars 2024.
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