Le premier long métrage de Jacques Doillon, admiré en son temps par Truffaut et Pialat, demeure peut-être son meilleur. On y découvre ce qui a établi durablement la réputation de son auteur : un talent rare pour la direction d’acteurs, et en particulier des jeunes interprètes novices ou non professionnels. Sorti en 1974, Les Doigts dans la tête place Doillon parmi les successeurs de la Nouvelle Vague, avec un cinéma qui prône le réalisme, le naturel et la recherche de la vérité. Mais il s’agit d’une version populaire de la Nouvelle Vague et de ses héritiers, loin du dandysme germanopratin. Les Doigts dans la tête est un instantané d’une jeunesse française ouvrière et déclassée, en lutte contre les petits patrons et en quête de rencontres féminines. Mine de rien, le film propose aussi une utopie politique et sentimentale, avec la création d’une micro-communauté de deux couples dans la même chambre de bonne. Réfractaire à l’expérience et au professionnalisme, le jeune cinéaste préfère se jeter sans filet avec ses interprètes dans l’aventure d’un tournage en petit comité et en huis-clos, où le film se fabrique petit à petit. Il s’intéresse à une jeunesse prolétaire rarement représentée au cinéma, et obtient de ses acteurs un naturel sidérant. Les Doigts dans la tête est un petit miracle de justesse, et place Doillon, contemporain d’Eustache et de Garrel, parmi les cinéastes novateurs de sa génération.
Les Doigts dans la tête, édité en Blu-ray par LCJ, a bénéficié d’une belle restauration qui permet de redécouvrir dans des conditions optimales ce titre essentiel, et pourtant marginal, du cinéma français des années 70. Le blu-ray propose un complément très réussi signé Roland-Jean Chama, qui s’entretient avec Doillon et son acteur principal, Christophe Sotto. Doillon revient sur les conditions de tournage des Doigts dans la tête, ses méthodes de travail et la réception du film au moment de la sortie.
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