Gouverneur malgré lui de Preston Sturges

Preston Sturges (Les Voyages de Sullivan, Un cœur pris au piège) était un maître de la comédie américaine, admiré pour son style, son élégance et son esprit. Gouverneur malgré lui (The Great McGinty, 1940), son premier film en tant que metteur en scène, est une date dans l’histoire du cinéma hollywoodien. C’est en effet la première fois que la même personne est désignée à la fois comme unique scénariste et réalisateur au générique d’un long métrage produit par un studio (Paramount Pictures en l’occurrence). Sturges, qui avait auparavant écrit des films brillants pour Mitchell Leisen, Howard Hawks ou William Wyler ouvre ainsi la voie aux célèbres réalisateurs-auteurs américains, Billy Wilder, Elia Kazan, Joseph Mankiewicz… Gouverneur malgré lui est une brillante satire politique qui raconte, en 82 minutes seulement, l’ascension et la chute d’un homme de la rue devenu gouverneur grâce au soutien de la mafia. Sturges, à l’inverse de Frank Capra, se montre sans illusion envers le capitalisme à l’américaine, qui place le profit et la réussite au-dessus de la morale. Cette comédie irrésistible n’a pas besoin de star : le style et l’intelligence de son auteur complet entraînent le spectateur dans un récit imprévisible, capable de mêler le drame et la comédie, l’émotion et l’ironie (la spécialité de Sturges). Du grand art. Le film présente l’originalité d’un récit en flash-back, raconté par son anti-héros. C’est brillamment écrit, et très critique envers le système politique américain, montré corrompu et cynique. Gouverneur malgré lui est un classique atypique, sans happy end ni rédemption, avec des personnages amoraux et une fin totalement imprévisible. Oscar du meilleur scénario en 1941.

Le film est disponible en combo DVD/Blu-ry dans la collection consacrée au cinéma classique américain d’Élysée. L’éditeur a eu l’excellente idée de demander à Nathalie Bittinger de parler du film. Elle le fait brillamment et de manière très claire, à la fois informative et analytique. Un modèle d’intervention critique.