Olivier Père

El mercenario de Sergio Corbucci

El mercenario (1968) s’impose avec évidence comme l’un des meilleurs westerns italiens, mais aussi d’un sous-genre à l’intérieur d’un genre, le western révolutionnaire. Il se révèle aussi l’un des films le plus aboutis, autant visuellement que thématiquement, de son réalisateur, Sergio Corbucci. Le film est construit, à l’instar de nombreux westerns italiens, autour de l’opposition dialectique entre deux hommes, le brun et le blond, le Mexicain et l’Européen (ou le gringo américain), l’idéaliste exalté et l’individualiste cynique. On retrouve ce schéma narratif dans El Chuncho (Damiani), Tepepa (Petroni), Il était une fois la Révolution (Leone), ou Compañeros, sorte d’auto-remake de El mercenario réalisé par Corbucci en 1970.

Certains de ces films (par exemple El Chuncho) s’inscrivent dans la mouvance du cinéma politique italien, tandis que d’autres critiquent ou parodient les fictions de gauche en mettant dos à dos les idéologies, la violence d’état et la guérilla – c’est le cas de celui de Leone. Corbucci se situe à mi-parcours. Son cœur penche du côté des révolutionnaires mexicains, mais il ne peut s’empêcher d’adopter un ton tour à tour farceur et désenchanté. Franco Nero, acteur fétiche de Corbucci, interprète Kowalski, un mercenaire polonais qui croise le chemin du péon Paco Roman (Tony Musante) devenu leader révolutionnaire un peu malgré lui. Compañeros, où Tony Musante est remplacé par Tomas Milian, reprendra les thèmes et la structure de El Mercenario, avec plus de dérision encore. El Mercenario se présente sous la forme d’un long flash-back et débute dans des arènes, lors d’un spectacle de cirque taurin, où Paco est grimé en clown triste, tandis que Kowalski l’observe, caché parmi le public. Les westerns mexicains de Corbucci sont des rêveries violentes, où les traditions latines de deux continents (corrida, marionnettes et commedia dell’arte) s’entremêlent. Corbucci se livre à un jouissif jeu de massacre et s’inspire non seulement du western américain classique mais aussi de la comédie italienne. Corbucci a eu besoin d’une partition sonore à la hauteur du souffle de ses images, de l’ingéniosité de ses dispositifs scéniques et de son découpage baroque. Une fois de plus, c’est Ennio Morricone qui achève de transformer le film en opéra de la trivialité, grâce à l’une de ses plus belles partitions pour le western, qui allie la bruitisme au lyrisme, le cri à la mélopée. Quentin Tarantino rendra un bel hommage au film dans Django Unchained en reprenant la musique de Morricone, et surtout en citant la scène de la mort de Jack Palance.

 

El mercenario est disponible en combo DVD et Blu-ray, aux éditions Sidonis/Calysta.

Catégories : Actualités

9 commentaires

  1. cyril hanouna dit :

    Merci chef pour ce papier, ça fait plaiz

  2. JICOP dit :

    Bonjour Olivier .
    On pourrait rajouter à votre liste le sémillant  » Saludos Hombre  » du 3eme Sergio ( Sollima ) bien que le shéma péone inculte mais lucide / Yankee cynique ne soit pas fixé dans le scénario .
    On y retrouve malgré tout le sous-texte politique avec un Tomas Milian en péone trimballé dans la révolution et prenant conscience de sa condition sur fond de chasse au trésor .
    Pour finir et de Sergio Corbucci  » Mais qu’est ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?  » avec Vittorio Gassman me parait également digne d’interet .
    Dans la vague inflationniste du western Italien , le western-Zapatta me semble etre le plus beau rejeton de ce genre si souvent décrié . Les critiques auraient pu/du s’en apercevoir à l’époque .
    Depuis heureusement la réhabilitation a eu lieu . Un chef d’oeuvre comme  » El Chuncho  » a eu les honneurs du  » cinéma de Minuit  » par exemple .

  3. MB dit :

    ben… c’est fini votre blog Olivier ou c’est mon navigateur qui débloque? j’en reste au 14 janvier dernier article…

    • Olivier Père dit :

      Pas fini mais en sommeil… J’ai trop de travail et d’autres choses à écrire par ailleurs pour divers supports, j’espère poster des articles un peu plus tard.

  4. MB dit :

    bon courage!

  5. Bertrand Marchal dit :

    J’ai vu récemment le Grand Silence dans l’édition de 2007 de Canal+. L’image n’est pas terrible, particulièrement mauvaise lors de la poursuite entre El Tigrero et la femme noire, très surexposée, et qui devient blanche du coup!

    Avez-vous eu l’occasion de voir l’édition de Make My Day, parue cette année, je crois?

  6. Olivier Père dit :

    Non je n’ai pas encore revu le film dans la nouvelle édition Make my Day mais c’est un combo DVD/BR d’après un Master restauré 4K donc l’image devrait être meilleure ou plus conforme aux intentions de son chef-op enfin j’espère. La dernière fois que j’ai vu le Grand Silence c’était au cinéma lors de sa ressortie je crois.
    j’avais fait pour l’édition DVD de 2007 (collection « cinéma de quartier » dirigée par Jean-Pierre Dionnet) un commentaire audio de quelques séquences (ou du début seulement je ne me souviens plus) qui a été repris dans le coffret Make my Day.

  7. Bertrand Marchal dit :

    Ok, merci! Oui effectivement, vous commentez les 20 premières minutes. le premier plan est d’ailleurs éloquent; comme vous le soulignez, il ancre le film dans le sol et laisse présager quelque chose de très étouffant.

    C’était la première fois que je voyais ce film, la fin est inattendue! anti-héroïque et pour tout dire lamentable. c’est très osé! Et à première vue, unique dans l’histoire du western.

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