Olivier Père

Navajo Joe de Sergio Corbucci

Sergio Corbucci est l’auteur, avec deux autres Sergio (Leone et Sollima) des meilleurs westerns italiens. Prolifique artisan du cinéma populaire italien, il débute dans la mise en scène à la fin des années 50, réalise d’abord péplums (Romulus et Remus, Le Fils de Spartacus) et comédies parodiques (Totò, Peppino e la dolce vita, Le Jour le plus court) avant de participer au milieu des années 60 à la mode du western italien. Django, avec son héros hanté par la mort et la violence qui traîne derrière lui un cercueil dans une ville boueuse va définitivement orienter ce genre dans une surenchère baroque, sadique et surréaliste.

Réalisé tout de suite après Django, Navajo Joe est un western passé un peu à l’as depuis sa sortie française en 1968, et moins connu que les titres de Corbucci avec Franco Nero. Autant Django était un film sombre et cauchemardesque, autant Navajo Joe est un film brûlé par le soleil, où les grands espaces désertiques sont magnifiés par le Cinemascope. Contrairement à Django, dont la préparation et le tournage avaient été particulièrement chaotiques, il s’agit d’un film au budget confortable produit par Dino De Laurentiis. L’une des ambitions du film était à lancer à l’internationale Burt Reynolds, ancien sportif dont la carrière peinait à décoller à Hollywood. Navajo Joe est son premier film en vedette, et il l’accepta sur les conseils de Clint Eastwood, après le désistement de Marlon Brando. Les péripéties sadomasochistes de Navajo Joe auraient sans doute plu à l’acteur de Sur les quais, mais Corbucci, qui n’aimait pas se compliquer la vie, n’a jamais regretté le refus de la star américaine. Burt Reynolds, dont le père était d’ascendance à moitié Cherokee, se révèle convaincant dans un rôle très physique. Navajo Joe est l’un des rares westerns italiens à s’intéresser à la cause indienne. Corbucci traite du racisme et des massacres dont furent victimes des tribus pacifiées après la fin des guerres indiennes. Le grand méchant du film est un mercenaire métis (Aldo Sambrell), véritable double maléfique du héros, qui fait le commerce des scalps d’Indiens. On le voit tuer avec sadisme des femmes et des enfants. Navajo Joe exploite la veine cruelle et pessimiste de Corbucci qui trouvera son paroxysme deux ans plus tard dans Le Grand Silence, western mélancolique et enneigé où la mort emporte les héros et laisse le Mal triompher. Musique hurlante et tonitruante d’Ennio Morricone, qui utilise le pseudonyme de Leo Nichols. Ce film de Corbucci mal aimé de ses fans est à réévaluer.

Navajo Joe est disponible en combo DVD et Blu-ray aux éditions Sidonis/Calysta.

Pour savoir sur Sergio Corbucci, il y a l’excellent livre de Vincent Jourdan consacré au cinéaste italien.

Catégories : Actualités

Un commentaire

  1. JICOP dit :

    Un des fleurons du genre avec un charismatique Burt Reynolds .
    Interessante votre reflexion sur le role des Indiens dans les westerns Italiens .
    Effectivement il y en eut peu mais un étrange paradoxe demeure : le western Zapatta prit consciencieusement le parti de la classe laborieuse Mexicaine contre l’impérialisme Américain ou la classe dirigeante à travers les scénarii de Solinas par exemple . Le parti communiste Italien avait dans ses rangs des vedettes comme Gian Maria Volonte et les habitants des pays en voie de developpement adoraient ces westerns prenant souvent la défense du pauvre et considérant le bourgeois ou le possédant comme l’ennemi de classe ( voir la scène de la diligence au début d’  » Il était une fois la révolution  » ) .
    En clair le western Italien prenait souvent fait et cause pour l’opprimé et l’arrière-plan politique de l’époque collait plus à la révolution Mexicaine plutot que les guerres Indiennes . Simple hypothèse .
    Il y a quelques années j’avais acheté le dvd de  » Django  » . Un ami d’origine Indienne en le voyant me supplia de lui preter : Le film faisait l’objet d’un culte en Inde .

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