Olivier Père

De la guerre de Bertrand Bonello

Il existe peu d’ovnis aussi passionnants que De la guerre dans le cinéma contemporain. En proie à une profonde crise existentielle, un cinéaste entre en contact avec une communauté vivant en autarcie, entièrement tournée vers la jouissance. Dans ce film étrange et mélancolique, Bertrand Bonello choisit Mathieu Amalric pour incarner son double, à l’affût d’expériences inédites. Autour de lui gravitent Asia Argento, Clotilde Hesme, Guillaume Depardieu en samouraï new age, Léa Seydoux et Vincent Macaigne qui allaient bientôt devenir des visages familiers du cinéma d’auteur français, et une figurante nommée Julia Ducournau. De la guerre se présente à la fois comme un exercice d’admiration et une œuvre qui cherche en permanence à réinventer notre rapport aux sons, aux images et à la temporalité. Bonello cite Dylan, Pasolini, Coppola de manière surprenante et créative. Son film dresse le bilan des utopies passées pour proposer une nouvelle appréhension du collectif. J’avais montré De la guerre à la Quinzaine des réalisateurs en 2008, et il me semblait que ce film parlait en creux de l’héritage de mai 68, quarante ans plus tard et d’une manière à la fois désenchantée et lucide, comme La Maman et la Putain de Jean Eustache l’avait fait, à chaud, en 1973.

Bertrand Bonello passe en toute liberté d’une certaine filiation post Nouvelle Vague à l’essai politique, de l’introspection humoristique à des séquences plongeant dans le rêve, la transe et l’hallucination, loin de sentiers battus. La reproduction de séquences d’Apocalypse Now dans une forêt demeure sans doute ce que Bertrand Bonello a imaginé de plus fou dans sa filmographie, mais je n’ai pas encore vu Coma, présenté à la Berlinale cette année, et qu’on annonce très expérimental.

 

 

 

Disponible gratuitement sur ARTE.tv du 1er mai au 31 octobre 2022.

 

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