Olivier Père

The Nightingale de Jennifer Kent

The Nightingale date de 2018. Il n’est visible que trois ans plus tard en France, privé de sortie en salles par la crise sanitaire. Depuis sa découverte houleuse à la Mostra de Venise, où il a provoqué les réactions hostiles d’une partie de la presse internationale, mais également remporté le prix spécial du jury, le deuxième long métrage de la réalisatrice australienne Jennifer Kent a beaucoup fait parler de lui et sa réputation n’a cessé de gonfler, à juste titre. Le film relate le calvaire puis la croisade vengeresse d’une jeune femme violée et laissée pour morte par un officier britannique lors d’une agression au cours de laquelle son bébé et son mari ont perdu la vie. L’action du film se déroule en Tasmanie, état insulaire particulièrement sauvage et isolé au Sud de l’Australie. Nous sommes en 1825 et le pays est sous domination anglaise. La réalisatrice opère un parallèle entre la violence sexuelle et la colonisation de l’île. La jeune femme, bagnarde d’origine irlandaise, est aidée par un scout aborigène également victime du racisme et de la brutalité de l’occupant anglais. Le film s’attache à la rencontre mouvementée entre cette femme déplacée jusqu’au bout du monde et cet homme exilé de son propre territoire, tous deux spoliés de leur liberté et emplis d’une sourde colère. L’idée n’est pourtant pas de plaquer à une fiction en costumes un discours féministe et anticolonialiste aux résonances contemporaines. Les situations décrites dans le film correspondent à une réalité historique sérieusement documentée, et les auteurs ont adopté le parti-pris de l’authenticité, avec par exemple le respect des langues et des dialectes parlés par les personnages. Il ne s’agit pas non plus pour Jennifer Kent, révélée par un film d’horreur, Mister Babadook, d’exploiter le filon du « rape and revenge » en flattant les bas instincts des spectateurs. The Nightingale ne nous épargne rien du sadisme et de l’abjection de cet officier arriviste et vicieux, flanqué de sbires abrutis. La réalisatrice parvient à éviter la complaisance tout en traitant du thème de la barbarie. Certaines scènes du film sont difficilement soutenables sans avoir besoin d’exhiber une quantité excessive de sang et de nudité. L’approche de Jennifer Kent s’inscrit dans une riche tradition du cinéma des antipodes, dont l’âge d’or remonte aux années 70. La plupart de ces films proposait l’exploration d’un territoire étrange et sauvage, à la recherche de d’une histoire et d’une culture oubliées. On ne peut s’empêcher de penser à Peter Weir devant The Nightingale, qui emprunte au western et au film d’aventures pour mieux conter une odyssée intime et tragique, une traque pleine de dangers motivée par une soif de vengeance mais qui débouche finalement sur la liberté. La mise en scène de Jennifer Kent est d’une grande rigueur et ne cède jamais à l’emphase. Les décors naturels produisent un effet saisissant. Le rôle principal de Clare est magnifiquement interprété par Aisling Franciosi, actrice irlando-italienne vue dans de nombreuses séries parmi lesquelles Games of Thrones.

 

Sortie en VOD et en DVD et Blu-ray (édité par Condor Entertainment) le 15 avril.

Catégories : Actualités

4 commentaires

  1. Félix dit :

    Content que vous ayez également apprécié ce film ! Dommage que nous n’ayons pas pu le découvrir en salles… mais c’est déjà pas mal qu’il sorte enfin officiellement par chez nous.

  2. Olivier Père dit :

    J’ai été aussi agréablement surpris par The Beach Bum d’Harmony Korine dont vous avez très bien parlé.

  3. Félix dit :

    Ah super, et merci ! 🙂
    Encore un bien chouette film passé trop inaperçu hélas… J’espère que le temps redorera progressivement son blason !

    • Olivier Père dit :

      Je suis également d’accord avec vous sur The Nest, autre bonne surprise vue en ligne. Bon maintenant on va enfin recommencer à découvrir des films en salles…

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