Olivier Père

L’invasion vient de Mars de Tobe Hooper

L’invasion vient de Mars (Invaders from Mars, 1986) est l’un des trois longs métrages réalisés coup sur coup par Tobe Hooper pour la firme Cannon Group dans les années 80, avec Lifeforce et Massacre à la tronçonneuse 2. Il s’agit remake d’un film de science-fiction de 1953, rebaptisé en France Les Envahisseurs de la planète rouge et signé William Cameron Menzies, chef décorateur de génie passé à la mise en scène. Le film original n’avait rien d’un chef-d’œuvre, bien au contraire. Dans notre souvenir, il s’inscrivait de manière grossière dans la vague anti-communistes des films de SF produits aux États-Unis pendant la Guerre froide. Son originalité résidait dans son point de vue, celui d’un enfant, seul témoin d’une invasion extraterrestre. Le jeune garçon, incapable de se faire entendre, soupçonnait la transformation des habitants de sa petite ville, parmi lesquels ses parents, en esclaves dociles au service de l’envahisseur. Hooper et son scénariste Dan O’Bannon demeurent fidèles au film de Menzies, sans chercher à injecter des éléments parodiques, mis à part quelques clins d’œil. C’est plutôt le respect qui l’emporte, y compris dans la naïveté et la bêtise. Ainsi l’intervention militaire finale aurait pu donner lieu à des séquences sarcastiques de la part d’un Joe Dante ou d’un John Landis. Elle est au contraire traitée avec le plus profond sérieux, et l’armée américaine fait preuve d’une bravoure et d’une efficacité aussi admirables que dans n’importe quel film de Chuck Norris produit par la Cannon dans cette glorieuse décennie des 80’s.

Les qualités – et les problèmes – du film résident dans ce traitement sans recul d’un cauchemar enfantin. Les créatures martiennes ressemblent à des marionnettes de foire, le souterrain investi par les vilaines bestioles de l’espace à un train fantôme géant en plastique. C’est parce que le film tout entier sort de l’imaginaire fiévreux d’un gamin nourri de dessins animés, de films vus à la télévision et de revues de vulgarisation scientifique que ces effets spéciaux ont été volontairement conçus comme puérils et oniriques. Ainsi, le film de Tobe Hooper n’est pas si éloigné du plus poétique Explorers, réalisé un an plus tôt par Joe Dante. Mais il y a une trivialité, un goût de la laideur qui distinguent Tobe Hooper des autres cinéastes cinéphiles de sa génération, amoureux de l’horreur, du fantastique et de la science-fiction. Même dans une production mainstream, il se permet des écarts de conduite, des images grotesques, en demandant par exemple à Louise Fletcher (Oscar de la meilleure actrice pour Vol au-dessus d’un nid de coucou en 1975) d’avaler un crapaud. 

Le film a été très mal reçu au moment de sa sortie, personne ne réussissant à comprendre à qui il s’adressait, où s’arrêtaient les intentions visuelles des auteurs et commençait la débâcle artistique d’un projet qui avait pâti, comme toujours avec la Cannon, de gros problèmes de budget et de production. A la revoyure, nous sommes beaucoup moins sévères avec L’Invasion vient de Mars, dont la photographie et les effets spéciaux nous semblent, contrairement à ce qu’en avaient dit les critiques de l’époque, constituer un bel hommage à la science-fiction des années 50. Et proposer un ensemble finalement plus cohérent que le très bordélique Lifeforce.

 

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