Olivier Père

L’Homme qui aimait les femmes de François Truffaut

Dans le cadre de son cycle François Truffaut, ARTE diffuse L’Homme qui aimait les femmes (1977) lundi 26 octobre à 20h55. Ce projet a longuement muri dans l’esprit de Truffaut, qui souhaitait consacrer un film entier à un personnage comparable au séducteur névrotique déjà interprété par Charles Denner dans La mariée était en noir en 1968. L’idée de Truffaut est de réemployer le même acteur dans le rôle de Bertrand Morane, un homme obsédé par les femmes. L’apparence physique de Denner et son comportement viennent contredire les clichés du dragueur ou du play-boy sûr de lui. Morane est un inquiet, un collectionneur insatiable dont l’attirance pour les femmes dissimule une profonde angoisse, une solitude ontologique. L’Homme qui aimait les femmes précède d’un an La Chambre verte, et dresse déjà le portrait d’un monomaniaque. Davenne préfère la compagnie des morts à celle des vivants. Morane, la compagnie des femmes plutôt que celle des hommes. Dans les deux cas, l’anti-héros de Truffaut est consumé par une passion dévorante et morbide. L’Homme qui aimait les femmes est traversé par la mort. C’est après elle que Morane court, pour la retrouver davantage que pour lui échapper, au même titre que les jupons féminins. Grand admirateur de Fellini, dont le Casanova est sorti la même année que L’Homme qui aimait les femmes, Truffaut rejoint de manière inattendue le cinéaste italien, en représentant son homme à femmes comme un pantin fébrile, dont le pouvoir de séduction s’étiole une fois son livre autobiographique terminé. Le plus étonnant dans ce film supposé autobiographique demeure l’absence totale du plaisir, reçu ou donné par Morane lors de ses innombrables aventures et conquêtes. Son rapport aux femmes relève de la mise en scène – arriver à ses fins par des stratagèmes longs et compliqués – et de la consommation. Mais Truffaut semble ignorer le principe de jouissance, comme si le sujet lui faisait peur et nécessitait un film à part entière, qu’il n’aura jamais l’occasion de réaliser. Truffaut a déclaré au sujet de L’Homme qui aimait les femmes qu’il croyait avoir tourné une comédie, et avait compris au montage qu’il s’agissait d’un film d’une grande tristesse, aux accents tragiques. Cet aveu souligne l’importance qu’occupe ce titre dans la filmographie de son auteur. Le souci de l’équilibre, le désir permanent de clarté, la maîtrise de tous les éléments de la fabrication d’un film qui régissent l’art truffaldien se retrouvent souvent contredits par des courants souterrains, contradictoires, qu’on pourrait juger incontrôlables.

Catégories : Actualités · Sur ARTE

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