Opus majeur de Nanni Moretti, Habemus papam (2010) est aussi, et surtout, le dernier grand rôle de Michel Piccoli. Au soir d’une carrière extraordinaire, l’acteur français endosse la défroque d’un Pape nouvellement élu et angoissé par cette responsabilité aussi immense qu’inattendue. Le pontife profite d’une séance de psychanalyse à Rome pour prendre la fuite et se cacher parmi les citoyens, et imaginer une vie qui aurait pu être la sienne s’il avait emprunté une autre voie, ou écouté ses désirs. Les thèmes de la fugue, du refus existentiel traversent la filmographie de Michel Piccoli. Voir ou revoir Habemus papam fait ressurgir le souvenir de Dillinger est mort, de Themroc et surtout de Je rentre à la maison, le beau film de Manoel de Oliveira, dans lequel Piccoli interprétait un comédien de théâtre soudainement endeuillé. Moretti ne s’intéresse pas vraiment à la religion catholique. Le cardinal Melville ne traverse aucune crise mystique, sa nomination ne remet pas sa foi en question. Elle l’invite à une interrogation sur la liberté, le choix du « would prefer not to » de Bartleby. La fuite n’est pourtant pas dans Habemus papam une stratégie de lutte (contre le pouvoir, contre le Vatican) mais plutôt le seul moyen de se retrouver soi-même, et d’adopter conduite de vie en adéquation avec une morale personnelle. La découverte de soi est l’un des objectifs de la psychanalyse, qui joue un rôle important dans le film. Dans un ironique mouvement contradictoire, c’est le psychanalyste (joué par Moretti) qui se retrouve confiné au Vatican, mis au secret par les services de sécurité de la cité papale, tandis que le pontife fait l’école buissonnière, et renoue avec les plaisirs de l’enfance, ses jardins secrets (le théâtre de Tchekhov) et écoute enfin le murmure de la ville, et de la vie.
Disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur ARTE.tv jusqu’au 19 avril 2020.
Moretti est le grand cinéaste du Doute.
Si les systèmes (manières de penser, doctrines, lieux communs, prétentions de toute sorte) qu’il visitent ne lui paraissent pas très solides, il n’en propose aucun autre, il admet seulement le doute. Le doute qui n’apporte aucune satisfaction, qui confronte toujours à l’imperfection, aux tâtonnements. le doute qui s’exprime remarquablement dans Habemus Papam. Grand film « morettien ».
Un grand Piccoli, jamais cité et qui m’a marqué comme peu d’autres de lui, c’est Le Saut dans le vide de Bellochio où il fait une fugue définitive!
oui c’est l’un de ses meilleurs rôles, et un film important de Bellocchio