Olivier Père

Down by Law de Jim Jarmusch

Dans le cadre de son « printemps du polar », ARTE diffuse Down by Law de Jim Jarmusch lundi 30 mars à 22h25. Le film sera également disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur ARTE.tv jusqu’au 5 avril.

Programmé la même soirée qu’Arizona Junior, Down by Law (troisième long métrage de Jim Jarmusch) participe comme le second film de frères Coen à l’apparition d’une nouvelle scène indépendante dans le cinéma américain, avec l’émergence de fortes personnalités, dans les marges de la production « mainstream ». C’est aussi la preuve que le film noir a traversé les époques et a su se réinventer à chaque nouvelle décennie – les deux titres sont particulièrement représentatifs de l’esthétisme des années 80, entre couleurs flashy et noir et blanc stylisé. Tandis que les frères Coen s’inscrivent dans une tradition satirique très américaine, le new yorkais Jarmusch a le regard tourné vers l’Europe. Enfant de la post-modernité, il ne retient du cinéma hollywoodien que ses poètes et ses parias, à commencer par Nicholas Ray, cinéastes des amants maudits et des perdants magnifiques. Jarmusch ancre son film dans une ville fantôme, la Nouvelle Orléans, dont il enregistre le déclin comme il le fera plus tard avec Detroit dans Only Lovers Left Alive. Le film débute par des travellings sur des paysages urbains transformés en cimetières désertés, sur la voix éraillée de Tom Waits, également acteur. Dès les premiers plans, nous sommes éblouis par la beauté de la photographie de Robbie Müller, génial chef-op des road movies existentiels de Wim Wenders, grand frère allemand de Jarmusch. Avec plus d’humour que Wenders, mais avec un dandysme comparable, Jarmusch imagine la rencontre improbable de trois anti-héros à la drôle de dégaine, sortes de Stooges dépareillés, enfermés dans la même cellule. Une gigantesque ellipse plus tard, qui évacue toutes les scènes obligées de la préparation d’une évasion, les voici en fuite dans les égouts, puis dans les bayous de Louisiane. Après la ville et la prison, le film épouse alors un monde naturel aqueux et inhospitalier, autre manière d’enfermer les trois hommes dans une promiscuité non désirée. Entre nonchalance du récit, pose rock et formalisme cool, Jarmusch impose son style. Il y restera fidèle, avec des fortunes diverses mais un amour réaffirmé des personnages flottants et des voyages immobiles.

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