Olivier Père

La Chambre bleue de Mathieu Amalric

ARTE rediffuse La Chambre bleue (2014) de Mathieu Amalric mercredi 25 mars à 20h55. Le film sera également disponible gratuitement en télévision de rattrapage pendant sept jours sur ARTE.tv.

Tourné avec l’économie et la légèreté d’un drame criminel à petit budget, en adéquation avec l’urgence et la radicalité du projet, La Chambre bleue est l’adaptation d’un roman impressionnant de Georges Simenon, écrit en 1963, qui explorait certains thèmes de prédilection de l’écrivain : l’adultère, le couple, la culpabilité. La crudité du roman, son pessimisme total en font l’un des sommets de l’œuvre de Simenon, qui en soulignait l’importance plus de dix ans après sa publication : « Je crois qu’il a fallu une quarantaine d’année pour que, je m’en souviens, dans la première page d’un de mes romans, La Chambre bleue, j’ose écrire le mot sperme. »

Cette première page, c’est aussi la première scène du film. L’étreinte d’un homme et d’une femme dans une chambre d’hôtel, l’orgasme, une morsure, gouttes de sang et de sueur, après l’amour quelques mots échangés, les draps froissés et les corps ouverts « avec la tache sombre du sexe d’où sourdait un filet de sperme. »

Amalric acteur et réalisateur filme au plus près du roman de Simenon, à l’os, retrouvant l’esprit et la lettre de l’écrivain comme peu de cinéastes avant lui – on se rapproche ici des grandes réussites des années 30 signées Renoir et Duvivier. La stylisation de la mise en scène installe une atmosphère oppressante, renforcée par le format 1.33 qui enferme les personnages dans un espace trop étroit, autour du destin d’un homme pris dans un engrenage fatal dont le bonheur familial patiemment organisé va s’écrouler. Le défi du film est aussi de s’approcher au plus près du mystère d’une passion physique, et de la jouissance sexuelle, celle que les deux amants éprouvent ensemble pour la première fois dans leur vie. Stéphanie Cléau, compagne de Mathieu Amalric à la ville, a co-écrit le film avec lui et incarne dans La Chambre bleue Esther, la maîtresse du personnage principal. Sa beauté altière, sa voix, son regard, contribuent beaucoup à l’étrangeté fascinante de son personnage et du film tout entier. Tranchant comme un couperet, bloc d’abyme, La Chambre bleue ouvre des gouffres vertigineux, explorant les zones d’ombres d’un homme et de ses relations aux femmes. La structure du film, constituée de retours en arrière, dévoile progressivement l’intrigue criminelle tout en laissant planer certains doutes, y compris après sa conclusion implacable. Amalric parvient à retranscrire à l’écran la complexité du roman, laissant au spectateur la possibilité de sa propre interprétation de cette ténébreuse affaire.

 Amalric emprunte sans aucun doute les détours de l’adaptation littéraire et de la série B pour se livrer à une exploration intime, auto-analyse ou exorcisme qui n’en paraissent que plus frontaux, troublants et n’ayant aucune peine à trouver un sombre écho au plus profond de nous.

Mathieu Amalric termine actuellement son nouveau long métrage, Serre-moi fort, nouvelle co-production ARTE France Cinéma.

Catégories : Coproductions · Sur ARTE

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