Dans son « Dictionnaire des films », Jacques Lourcelles présente Jason et les Argonautes (Jason and the Argonauts, 1963) comme le meilleur péplum jamais réalisé. C’est aussi un classique du cinéma pour l’enfance, dont la capacité à émerveiller les jeunes (et moins jeunes) spectateurs est demeurée intacte. Jason et les Argonautes s’impose comme l’apothéose de l’association entre Ray Harryhausen et le producteur Charles H. Schneer, même si le film ne remportera pas au moment de sa sortie le succès escompté. Jason et les Argonautes est réalisé par Don Chaffey, spécialisé dans le cinéma d’aventures et de divertissement, qui travailla à la fois pour Walt Disney Productions et la Hammer Films dans les années 60 et 70. Jason et les Argonautes doit sa réussite totale à l’association de nombreux talents. Le film est une adaptation habile des Argonautiques, qui prend de nombreuses libertés avec le poème épique d’Apollonios de Rhodes et brasse plusieurs sources, situations et personnages empruntés à la mythologie et à la littérature grecques. Le scénario souligne avec ironie que les dieux ont besoin des hommes pour exister, tandis que ces derniers ne cessent de désobéir ou d’oublier les recommandations de divinités protectrices montrées sous un jour humain. Jason ne cesse de provoquer le destin et de s’embarquer dans des situations dangereuses, mettant sa vie et celle de ses hommes en péril. Parmi les membres de l’équipage des Argonautes on découvre un Hercule truculent et sanguin, interprété par Nigel Green, bien plus proche du héros mythologique des légendes grecques que de l’image lisse véhiculée par Steve Reeves dans les péplums italiens. Le voyage initiatique de Jason est ponctué de rencontres, d’attaques, d’épisodes spectaculaires et de catastrophes qui stimulent l’imagination de Ray Harryhausen, concepteur des effets spéciaux. Il parvient à donner une âme à ses marionnettes, souvent vouées à une fin tragique. Les monstres animés image par image en « Dynarama » sont particulièrement inoubliables dans Jason et les Argonautes, qui compte plusieurs morceaux d’anthologie. L’apparition de la statue du titan Talos (croisement entre Achille et le colosse de Rhodes), chargé de la protection d’une île, des harpies, une hydre à sept têtes… Mais la plus belle séquence du film demeure le combat de Jason contre une armée de squelettes sortis de terre. Elle dure trois minutes et nécessita plus de quatre mois de travail. Elle démontre le perfectionnisme et le goût du défi de Ray Harryhausen, qui avait déjà animé un squelette dans Le Septième Voyage de Sinbad, et se complique ici la tâche en le multipliant par sept. Malgré l’abondance des trucages, transparences et modèles réduits, le film évite les pièges du carton-pâte et du kitsch en profitant de la beauté des extérieurs dans le sud de l’Italie. La séquence des harpies a été tournée dans le temple de Paestum, grâce à une autorisation exceptionnelle. Le film baigne dans la lumière de la Méditerranée. Le Technicolor magnifie le bleu du ciel et de la mer. La musique de Bernard Herrmann apporte un souffle épique à ce chef-d’œuvre de l’aventure et du merveilleux.
Jason et les Argonautes est disponible à la vente depuis le 18 février dans une très belle version restaurée en combo blu-ray et DVD, avec un livre de 158 pages sur Ray Harryhausen et des suppléments de qualités, édité par Sidonis.
Sur ma liste! c’est un souvenir d’enfance qui me reste de ce moment de la vie où l’esprit critique se forme et où sans qu’on en comprenne bien les raisons, on commence a faire une distinction entre le bon et le moins bon. A ce moment aussi, vers 12, 13 ans, où j’ai commencé à m’intéresser aux réalisateurs et aux responsables des effets spéciaux ( sur les directeurs de la photo, j’ai encore d’immenses lacunes!)… Bref, une cinéphilie en formation!