New York 1997 (Escape from New York, 1981) est certainement l’un des films les plus iconiques des années 80, et un grand succès populaire du cinéma d’action qui confirma le talent de John Carpenter, trois ans après Halloween. Ce film d’anticipation imagine l’île de Manhattan transformée en pénitencier à haute sécurité, dans une Amérique devenue un régime autoritaire et policier, en proie à un taux record de criminalité. Un célèbre ennemi public, Snake Plissken, accepte en échange de sa grâce une mission commando : ramener vivant le Président des États-Unis, après le crash dans Manhattan de l’avion Air Force One détourné par un groupuscule révolutionnaire. Il n’a que 24 heures pour y parvenir. Commence alors une course contre la montre dans une ville fantôme peuplée de hordes de criminels pour la plupart retournés à l’état sauvage, sur laquelle règne le Duc, redoutable chef de gang. New York 1997 se présente sous la forme d’un compte à rebours qui se déroule entièrement la nuit. Carpenter respecte l’unité de lieu et de temps et livre un film sans aucun temps mort. L’action non-stop se mêle à une utilisation parfaite des décors urbains emblématiques de l’île de Manhattan tombée en ruines : le World Trade Center sur le toit duquel Plissken atterrit en planeur, le Grand Central Station transformé en repaire du Duc, les différents ponts minés pour empêcher les prisonniers de s’enfuir… Avec l’aide du jeune James Cameron en charge des modèles réduits et des effets spéciaux Carpenter parvient à créer des plans d’ensembles spectaculaires de ce Manhattan QHS, et donne à son film une ampleur visuelle extraordinaire malgré un budget qui n’est pas celui d’une superproduction de science-fiction. Cela confère au film une ambiance de série B de luxe. Le talent de Carpenter à composer des images dynamiques dans le format large Panavision, son sens du rythme et du montage ne sont pas étranger à cette étonnante réussite esthétique. Après avoir lancé la mode du « slasher » et remis au goût du jour un cinéma fantastique atmosphérique avec Fog, Carpenter lance la mode de la science-fiction post-apocalyptique, en même temps que George Miller (Mad Max en 1979, et sa suite en 1982). Le film s’inscrit dans la tradition d’un cinéma futuriste catastrophiste, où les plaies de l’époque contemporaine (pollution, insécurité, chômage) sont décuplées jusqu’à décrire un monde invivable. Mais contrairement à Soleil vert de Richard Fleischer, Carpenter opte pour un style emprunté à la bande dessinée, à la littérature pulp et surtout au western italien, principale référence de New York 1997. Carpenter prend aussi un alibi futuriste pour exagérer la violence urbaine et un état de déréliction morale déjà exprimée dans des grands films new-yorkais de la décennie précédente comme Un justicier dans la ville de Michael Winner ou Les Guerriers de la nuit de Walter Hill. La projection dans un futur proche encourage Carpenter à exagérer la dimension carnavalesque de son film, avec la description d’une jungle humaine crasseuse et une esthétique de la récupération propice à des outrances vestimentaires et décoratives. Kurt Russell s’amuse dans la défroque de Snake Plissken et démontre des talents d’imitateur vocal en reprenant les intonations de Clint Eastwood dans les westerns de Sergio Leone. Autour de lui, Carpenter réunit une belle distribution de « character actors » qui sont autant d’hommages au cinéma de Sam Peckinpah (Ernest Borgnine, Harry Dean Stanton) et Sergio Leone (Lee Van Cleef). On a souvent loué les qualités de New York 1997 assimilé à un pur exercice de style en oubliant que le projet de Carpenter s’inscrit dans un contexte politique qui le relit à d’autres films contestataires de la fin des années 70 et du début des années 80. La première mouture du scénario de Carpenter date de 1976 et fut écrit dans la foulée du scandale du Watergate. Le portrait peu flatteur que dresse Carpenter du président des Etats-Unis (interprété par Donald Pleasence) est vraisemblablement inspiré par Richard Nixon. La description de Manhattan en gigantesque pénitencier à ciel ouvert n’est pas sans évoquer l’évacuation de la capitale du Cambodge, Phnom Pen, transformée en prison d’état par les Khmer rouges, six ans avant la sortie du film. La mission de sauvetage racontée par le film fait également écho au fiasco de l’opération commando « Eagle Claw » d’avril 1980 au cours de laquelle des soldats américains échouèrent à libérer les otages détenus en Iran. Le mauvais esprit anarchisant de Snake Plissken, son mépris pour toute forme d’autorité rejoint celui de son créateur. A l’instar des films de George A. Romero et David Cronenberg réalisés à la même époque, New York 1997 propose un commentaire critique sur la société nord-américaine et les risques de dérive fascisante. Carpenter allait retrouver une verve subversive encore plus agressive en réalisant Invasion Los Angeles (The Live) en 1988.
Reprise en salles le mercredi 19 décembre, distribué par Splendor Films.
Disponible également en Steelbook 4K Ultra HD + 2 BD et en Blu-ray haute définition, édité par Studiocanal.
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