Olivier Père

Mandingo de Richard Fleischer

De tous les grands films de Richard Fleischer Mandingo (1975) est sans doute le plus méprisé et incompris, victime d’un malentendu dès sa sortie. Il est évident que ce film est le produit d’une époque où le cinéma n’avait pas peur de choquer et de déplaire. Ce pouvait même être, à l’occasion, un argument commercial. Film à gros budget produit par Dino De Laurentiis, Mandingo est une fresque historique conçue comme l’antithèse trash d’Autant en emporte le vent, bien en phase avec les relectures révisionnistes des années 70. Le scénario est signé Norman Wexler, qui venait d’écrire deux films importants à fort contenu politique produit par De Laurentiis, Joe (sur un personnage d’Américain moyen fasciste) et Serpico (sur un flic idéaliste victime de la corruption de la police new yorkaise). Et aussi La Fièvre du samedi soir.

Fleischer a refusé dix fois la proposition de Dino de Laurentiis mais a finalement accepté à condition d’être le plus honnête possible avec le matériau de base du film. Fleischer a déclaré au sujet du film : « Mon Mandingo est un reflet véridique de cette époque. Et s’il est vrai qu’il se montre mélodramatique par endroits, il n’en est pas moins un portrait rigoureusement exact des horreurs de l’esclavage. » Fleischer a aussi évoqué dans un entretien un premier montage d’une durée de 3h45 qu’il jugeait plus fidèle à ses intentions, mais qu’il dut inévitablement réduire pour l’exploitation commerciale du film.

Quand on revoit Mandingo aujourd’hui on est encore horrifié par son contenu violent et sexuel souvent insoutenable qui dresse un portrait sans concession de l’esclavagisme et de l’aristocratie sudiste. A cause de certaines scènes scabreuses et de son langage ordurier et raciste un tel film serait impensable de nos jours et ne franchirait pas les barrières de la censure et surtout de l’autocensure des studios. Si Fleischer, toujours d’une grande modestie et d’une grande discrétion, prit la peine de défendre son film et d’exposer ses intentions, c’est que Mandingo fut longtemps considéré comme un pur produit d’exploitation, entre roman de gare et pornographie hollywoodienne voyeuriste et racoleuse. C’est faux et le film mérite réévaluation, au même titre que les films les plus controversés de Sam Peckinpah (Croix de fer), Robert Aldrich (Bande de flics) ou Samuel Fuller (Dressé pour tuer). Ce n’est pas parce qu’un film met en scène des personnages racistes qu’il est lui-même raciste. Fleischer n’a pas peur de se confronter à l’horreur de l’histoire et ne renonce pas à un point de vue moral même et surtout lorsqu’il filme des individus abjects (voir L’Etrangleur de Rillington Place). Ce qui surprend encore plus de la part de Fleischer, ce sont des partis-pris stylistiques comme le zoom qui détonnent chez un cinéaste classique qui a toujours utilisé avec parcimonie (mais avec beaucoup de brio) les effets modernistes. On se souvient des magistrales séquences en split-screen de L’Etrangleur de Boston en 1968 bien avant Brian De Palma et même Robert Aldrich. Ici le zoom et le grand-angulaire, ainsi que la texture ocre et sombre de l’image, accentuent la violence et le climat de décomposition et de corruption généralisée du film. La photographie du film est signée Richard H. Kline, qui travailla avec Fleischer sur deux de ses meilleurs films, L’Etrangleur de Boston et Soleil vert, ainsi que sur d’autres titres majeurs du cinéma américain des années 70 (Les Guerriers de l’enfer, Furie…)

Mandingo est édité par Studiocanal en combo Blu-ray et DVD dans la collection Make My Day ! dirigée par Jean-Baptiste Thoret. J’interviens dans le suppléments du film.

 

Mandingo de Richard Fleischer

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