Olivier Père

L’Egyptien de Michael Curtiz

ARTE diffuse L’Egyptien (The Egyptian, 1956) de Michael Curtiz lundi 26 décembre à 13h35 et à 22h30. L’Egyptien ne bénéficie pas d’une réputation extraordinaire auprès des cinéphiles et pourtant c’est un film à redécouvrir. Il pâtît de son échec critique et commercial au moment de sa sortie, en pleine mode des superproductions bibliques ou historiques. Tandis que l’antiquité romaine et parfois grecque inspira de nombreux péplums à grand spectacle, l’Egypte ancienne fut moins prisée par Hollywood, à l’exception notable du film de Curtiz et de La Terre des pharaons de Howard Hawks (diffusés le même jour sur ARTE). Si Hawks repose depuis longtemps au panthéon des meilleurs cinéastes américain, à juste titre, Curtiz ne jouit toujours pas du même prestige. Il y aurait donc une double difficulté à réhabiliter un cinéaste mal aimé avec l’une de ses productions les moins appréciées parmi une filmographie pléthorique – 178 titres réalisés entre 1912 et 1967, repartis sur au moins quatre pays, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne et les Etats-Unis. C’est pourtant ce que nous allons tenter de faire.

Le film débute par des images documentaires de l’Egypte contemporaine. Les ruines visitées par les touristes du monde entier vont bientôt céder la place à la reconstitution hollywoodienne de l’Egypte antique, treize siècles avant notre ère. Le film est raconté par son héros, au crépuscule de sa vie. Adapté d’un roman de l’écrivain finlandais Mika Waltari, L’Egyptien conte le destin exceptionnel de Sinouhé, enfant abandonné élevé par un médecin qui lui transmet sa science, et en particulier la technique de la trépanation. Devenu adulte, Sinouhé s’installe à Thèbes et exerce la médecine dans un quartier pauvre de la ville. Avec son ami Horemheb, fils de fromager qui ne rêve que de gloire, il sauve un jour la vie du pharaon Akhenaton, attaqué par un lion en pleine prière dans le désert. C’est le début, pour les deux hommes, d’une entrée dans les arcanes du pouvoir, avec ses tentations, ses intrigues et ses opportunités. L’Egyptien est l’un des rares films antiques à ne pas accorder une importance centrale aux thèmes de la religion ou de la spiritualité. Sinouhé est un héros progressiste dont les idées et la science témoignent de l’évolution de la civilisation égyptienne dans de nombreux domaines. L’approche du film est moderne et montre un homme savant, avide de connaissances et en avance sur son temps. Curtiz oppose à cet humanisme lumineux des passions destructrices inspirées par le désir sexuel et la soif de puissance. Sinouhé tombera sous le charme de la courtisane Nefer, femme aussi belle que cruelle. On reconnaît dans ces scènes de séduction et d’humiliation le goût de Curtiz pour la cruauté et les sentiments paroxystiques, avec parfois des éclairs de sadisme comme la tentative de meurtre de Sinouhé sur Nefer, la tête plongée dans un bassin. Le film possède de superbes moments de mise en scène et des images fastueuses, mais aussi des passages qui n’échappent pas au kitsch de ce genre de superproduction. L’Egyptien ne manque donc pas d’ambition, et constitue un excellent spectacle, d’une surprenante intelligence. Mais il souffrit sans doute du désistement de dernière minute de Marlon Brando, pressenti pour interpréter Sinouhé, qui abandonna le projet en désaccord avec le scénario et le choix de Bella Darvi dans le rôle de Nefer. La jeune femme, d’origine polonaise et d’une beauté renversante était la maîtresse du producteur Darryl F. Zanuck qui l’imposa sur plusieurs de ses films, malgré des talents dramatiques incertains. Bella Darvi est assez nulle dans sa première expérience devant les caméras, Le Démon des eaux troubles tourné la même année que L’Egyptien, mais elle est beaucoup plus impressionnante et mise en valeur dans le film de Curtiz, où elle est crédible en femme fatale fascinante et inhumaine. Sa carrière hollywoodienne sera de courte durée. Il en sera de même pour celle du remplaçant de Brando, l’acteur britannique Edmund Purdom. Ses débuts hollywoodiens essuieront des échecs à répétition. Purdom s’installera dès la fin des années 50 en Italie, où il tournera de nombreux péplums sans qualités puis des films d’exploitation de bas niveau, loin du luxe des studios de la Twentieth Century Fox ou de la MGM.

 

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