Olivier Père

Chromosome 3 de David Cronenberg

La case trash d’ARTE salue David Cronenberg en diffusant à la suite Chromosome 3 (à 00h15) et Scanners (à 1h45) dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 septembre. Les deux films sont disponibles en télévision de rattrapage sur le site d’ARTE (Scanners jusqu’au 30 septembre, Chromosome 3 jusqu’au 7 octobre).

Chromosome 3 et Scanners témoignent de l’évolution fulgurante du cinéaste qui, en quelques films de genre à petit budget tournés au Canada va s’imposer comme l’un des meilleurs cinéastes de sa génération. Il faudra attendre Faux-semblants et Crash pour que la critique « sérieuse » commence à se pencher sur son cas, mais le génie visionnaire du cinéaste est déjà à son apogée dans ces deux films charnière. On est frappé en les revoyant par la maîtrise de la mise en scène de Cronenberg déjà associé à deux de ses plus importants collaborateurs, le directeur de la photographie Mark Irwin et le compositeur Howard Shore.

La seule concession au système de production du cinéma d’exploitation dans les premiers films de Cronenberg semble être le recours à des acteurs anodins dans les rôles principaux et l’invitation d’acteurs « has beens » dont la fatigue, l’ennui ou le cabotinage tranchent avec le style du film : Barbara Steele dans Frissons, Samantha Eggar (photo en tête de texte) et Oliver Reed dans Chromosome 3, Jennifer O’Neill et Patrick McGoohan dans Scanners. Par la suite Cronenberg aura la possibilité de travailler avec des acteurs très talentueux capables de devenir ses alter egos ou ses complices à l’écran : Christopher Walken, James Woods, Jeff Goldblum, Jeremy Irons, Viggo Mortensen…

Dans Chromosome 3 (The Brood, 1979) un père, séparé de son épouse, élève seul sa petite fille. La mère, Nola, vit recluse dans la clinique expérimentale du docteur Raglan, inventeur d’une thérapie révolutionnaire qui permet à ses patients d’extérioriser leurs troubles mentaux par des manifestations organiques (plaies, pustules, tumeurs…). Les sentiments maternels exacerbés de Nola vont engendrer une portée (« The Brood », titre original du film) monstrueuse et meurtrière téléguidée par les pulsions de vengeance de la mère. Cronenberg s’est souvent amusé à présenter Chromosome 3 comme son seul film autobiographique, et aussi une version très personnelle de Kramer contre Kramer, le mélo sur le divorce de Robert Benton. Le cinéaste avait en effet quelques années avant le tournage décidé d’enlever sa propre fille, lorsqu’il apprit que son ex-femme se trouvait sous l’influence d’une sorte de secte médicale. Au-delà de cette anecdote, Chromosome 3 marque un point de non-retour organique dans la filmographie du cinéaste, et reste sans doute son œuvre la plus terrifiante, au premier degré, car elle transforme un sentiment naturel et « positif », l’instinct maternel, en véritable cauchemar contre-nature. Troisième film commercial de Cronenberg, qui avait débuté dans l’underground, Chromosome 3 demeure un sommet de l’horreur viscérale, et le cinéaste accouche – sans jeu de mot – d’images repoussantes et perturbantes. Après cette ultime orgie de chair malade, le cinéma de Cronenberg va peu à peu devenir plus mental et cérébral, tout en poursuivant cette volonté de donner une substance charnelle à des visions de l’esprit, comme dans son chef-d’œuvre Vidéodrome (1982).

Chromosome 3 de David Cronenberg

Oliver Reed dans Chromosome 3 de David Cronenberg

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