Olivier Père

Falbalas de Jacques Becker

ARTE diffuse Falbalas (1944) de Jacques Becker lundi 10 avril à 23h, en version restaurée, juste après Le Trou proposé en première partie de soirée. Becker, sorte de Hawks français, possède la caractéristique de s’être intéressé à différents groupes et catégories de la société française, toujours avec justesse et curiosité : paysans, étudiants, ouvriers, bourgeois, voyous…

Falbalas est l’un des nombreux chefs-d’œuvre de Becker, qui mêle la comédie au drame, avec des accents tragiques et même fantastiques. Le film se déroule dans les milieux parisiens du luxe et de la mode. Un célèbre couturier, désinvolte bourreau des cœurs, tombe amoureux de la fiancée de son meilleur ami, un soyeux de Lyon. Clarence (Raymond Rouleau) est un séducteur entouré de femmes, un enfant gâté, mais c’est surtout un solitaire au comportement maniaque, qui conserve dans son bureau un mannequin de femme qui semble parfois vivante, et dans un placard les robes numérotées de ses anciennes maîtresses.

Le film fut tourné sous l’Occupation, à laquelle il n’est jamais fait allusion dans les dialogues. Le climat de restriction n’apparaît pas à l’écran, hormis le fait que les protagonistes, malgré un train de vie bourgeois, se déplacent souvent à bicyclette.

Derrière le drame mondain sophistiqué, équivalent des « téléphones blancs » italiens se cache un grand film sur le fétichisme, l’obsession amoureuse et le débordement du désir. Collectionneur, névropathe, tyrannique, le couturier Clarence et ses lubies rejoignent les personnages masculins de Buñuel. Falbalas fait penser à deux films mexicains de Buñuel sur le basculement dans la folie et la fixation d’un homme sur une femme, El et La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz. Falbalas, magnifique démonstration du style de Becker, est à sa manière un film intime. La mère du cinéaste, d’origine anglaise, tenait une maison de couture à Paris. L’univers de la mode et la passion qui y règne sont parfaitement décrits dans Falbalas, de l’exaltation créatrice du couturier jusqu’au travail des petites mains. Falbalas offre à Micheline Presle (photo en tête de texte) un de ses plus beaux rôles, objet du désir trouble de Raymond Rouleau, lui aussi excellent.

Falbalas est également projeté à la Cinémathèque française dans le cadre de l’hommage à Jacques Becker, lundi 10 avril à 14h30 et lundi 17 avril à 21h.

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