ARTE diffuse La Scandaleuse de Berlin (A Foreign Affair, 1948) de Billy Wilder dans le cadre d’une journée spéciale Berlin dimanche 19 février à 22h50. Programmation judicieuse dans la mesure où le film de Wilder, fiction hollywoodienne, est aussi un témoignage sur la capitale allemande au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tourné sur les lieux même de l’action, ce qui le distingue de bon nombre de productions américaines se déroulant dans une Europe reconstituée en studio. Ce souci d’authenticité s’accompagne néanmoins d’un artifice : les prises de vues documentaires tournées à Berlin par Wilder furent intégrées au reste du film. Mais l’illusion est parfaite et le cinéaste débute La Scandaleuse de Berlin par d’impressionnantes images de la ville vue du ciel : un champ de ruines, une étendue infinie d’immeubles transformés en dentelles de pierre, une vision d’apocalypse après les bombardements alliés, commentée avec cynisme par une délégation du Congré américain, venue enquêter sur le moral des soldats qui occupent la ville. Il fallait le culot de Wilder pour situer une comédie – même si cette définition est réductrice – dans un cadre aussi tragique, et d’une actualité brûlante. Berlin détruit, la survie des Allemands s’organise entre marché noir et prostitution, uniques recours pour échapper à la misère, au froid et à la faim. L’armée d’occupation américaine participe à la corruption généralisée, et la dénazification s’effectue laborieusement. Pour le viennois Wilder, La Scandaleuse de Berlin offre l’occasion de retourner dans la ville où il a passé une partie de sa jeunesse, avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, et aussi de se confronter avec son maître Lubitsch, qui avait osé se moquer du nazisme dans To Be or Not to Be, dès 1942. Avec l’aide de son scénariste Charles Brackett, complice de ses premières grandes réussites, Wilder fait preuve d’une intelligence éblouissante et parsème son film de dialogues à l’humour féroce. Marlene Dietrich, célèbre pour son engagement contre le nazisme, interprète avec sa classe habituelle une femme compromise avec le 3ème Reich, devenue la maîtresse d’un officier américain. Ses chansons et numéros de cabaret sont des réminiscences de son rôle dans L’Ange bleu, et évoquent sans fausse pudeur ni apitoiement le désarroi moral de toute une nation. Wilder considérait La Scandaleuse de Berlin comme l’un de ses meilleurs films. Difficile de le contredire.

Marlene Dietrich dans La Scandaleuse de Berlin de Billy Wilder
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