ARTE clôt son cycle consacré à Roman Polanski avec la diffusion de La Jeune Fille et la Mort (Death and the Maiden, 1994) mercredi 8 juin à 23h15. Le film sera également disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur ARTE+7.
Paulina Escobar (Sigourney Weaver), victime il y a quelques années de la dictature militaire de son pays, croit reconnaitre la voix et le rire de son tortionnaire dans l’homme, le docteur Roberto Miranda (Ben Kingsley), venu raccompagner son époux (Stuart Wilson) tombé en panne sur la route qui mène à leur maison isolée au bord de la mer. Elle va séquestrer Miranda et exiger de lui des aveux, sous le regard incrédule de son mari, avocat qui vient d’être chargé par le nouveau gouvernement démocratique d’ouvrir le procès des bourreaux.
Réalisé au milieu des années 90 lorsque Polanski était considéré comme au creux de la vague, souvent descendu en flammes par la critique – Lunes de fiel et La Neuvième Porte en firent injustement les frais – La Jeune Fille et la Mort mérite d’être réévalué. On reprochait alors à Polanski, entravé par son exil forcé en Europe, de ne plus retrouver l’ambition et le faste de ses productions anglo-saxonnes des années 60 et 70. S’il ne compte pas parmi les chefs-d’œuvre de Polanski, La Jeune Fille et la Mort confirme le goût du cinéaste pour les huis clos tendus et violents où s’affrontent des personnages ambivalents, autour des thèmes du Mal, de la corruption et de la culpabilité. La Jeune Fille et la Mort possède la caractéristique d’aborder un sujet ouvertement historique et politique – la torture et les viols systématiques perpétrés sur les opposants par les dictatures d’Amérique Latine et en particulier le Chili, même si le pays n’est pas nommé – huit ans avant Le Pianiste et la reconstitution du ghetto de Varsovie sous l’occupation nazie. Certes plusieurs films de Polanski pouvaient aussi revendiquer cette dimension politique, au travers du filtre d’une intrigue policière ou criminelle, comme Chinatown. La Jeune Fille et la Mort est l’adaptation d’une pièce d’Ariel Dorfman que Polanski va sensiblement modifier et perfectionner pour son passage sur le grand écran. Le film est un modèle de mise en scène claustrophobe et de progression dramatique jusqu’à sa résolution finale qui n’élude rien des grandes questions de la vengeance impossible, la confession et le pardon de crimes contre l’humanité. La Jeune Fille et la Mort possède la vertu de ne pas chercher à dissimuler artificiellement l’origine théâtrale de son matériau d’origine, en refusant le recours à des flashbacks par exemple, et à ne pas jouer trop longtemps sur le doute de la folie de son héroïne, persuadée d’avoir reconnu la voix et l’odeur de son bourreau. La puissance évocatrice de la parole, dans des scènes de dialogues qui font ressurgir les traumas du passé, est beaucoup plus éprouvante que des illustrations des souvenirs du personnage féminin, qui d’ailleurs avait les yeux bandés lors de son emprisonnement. Une fois de plus Polanski se révèle un directeur d’actrices hors pair et offre à Sigourney Weaver l’un de ses meilleurs rôles.
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