Olivier Père

Inspecteur Lavardin de Claude Chabrol

ARTE diffuse Inspecteur Lavardin (1985) de Claude Chabrol dimanche 20 septembre à 20h45. Selon le jargon des séries ou des blockbusters on dirait aujourd’hui que Inspecteur Lavardin est un « spin off » du film précédent de Chabrol, Poulet au vinaigre, puisqu’il en reprend l’un des personnages pour le transformer en héros. Le cinéaste a en effet prélevé ce qu’il avait aimé le plus dans Poulet au vinaigre, à savoir Lavardin et surtout son interprète Jean Poiret pour se faire davantage plaisir dans un second film. Plaisir partagé avec le public qui avait accueilli avec délectation ces deux longs métrages qui remirent à Chabrol le pied à l’étrier et offrirent enfin à Jean Poiret, délicieux fantaisiste abonné aux seconds rôles – notamment chez Guitry et Mocky – l’occasion d’occuper le haut de l’affiche. Jean Poiret apporte beaucoup d’humour et d’ironie à une intrigue sordide, que Chabrol avec la complicité de son acteur a la tentation de tirer vers le grotesque et la bouffonnerie. Nous ne sommes pas loin de l’anti-France de Mocky avec des personnages de bigot pervers, de patron de boîte de nuit louche, de fille de bonne famille menant double vie ou de jeune drogué à moitié débile, un portrait à charge contre l’hypocrisie bourgeoise, la corruption de la jeunesse par des notables dégénérés.

Avec Chabrol il y a toujours un film caché à l’intérieur du film visible, des ramifications souterraines et des non-dits qui se faufilent dans l’intrigue. Dans Inspecteur Lavardin, enquête policière dans laquelle Chabrol exploite jusqu’à l’auto parodie sa veine « scènes de la bourgeoisie de province », le cinéaste effleure aussi la passion secrète de Lavardin pour Hélène Mons, la veuve de l’homme retrouvé mort sur une plage au début du film. Ce personnage, interprété par Bernadette Lafont, en retrait de l’intrigue, possède un mystère et une opacité qui se dérobe au spectateur, et vit dans le souvenir d’un premier mari disparu en mer – subtile réminiscence de Rebecca – même si la réalité est tout autre. Les retrouvailles des personnages du film coïncident avec celles de Chabrol et de ses vieux complices des débuts de la Nouvelle Vague, Jean-Claude Brialy, Bernadette Lafont et Jacques Dacqmine qui jouait dans A double tour.

Derrière une facture visuelle d’apparence ingrate, se cache une architecture virtuose dont Chabrol avait le secret, avec des hommages à ses cinéastes de chevet, Hitchcock et surtout Fritz Lang, avec lesquels il partage l’obsession pour le mal, la culpabilité et le fantasme de l’omniscience. Les yeux de verre que collectionne Claude Alvarez (Jean-Claude Brialy), et le dispositif de surveillance vidéo de l’appartement lupanar à la fin du film renvoient aux « mille yeux du docteur Mabuse. »

Polar du terroir peut-être, leçon de mise en scène et film de cinéaste cinéphile sans aucun doute.

 

Poulet au vinaigre (1984) de Claude Chabrol sera diffusé sur ARTE le lundi 12 octobre à 20h50.

 

 

Catégories : Sur ARTE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *