Présenté en Séance spéciale au Festival de Cannes, Amnesia sort le mercredi 19 août en France, distribué par Les Films du Losange.
Nouveau long métrage de Barbet Schroeder, esprit curieux et inclassable qui mieux que personne a slalomé tout au long de sa carrière entre fiction et documentaire, cinéma d’auteur européen et Hollywood, Amnesia appartient peut-être à l’un des rares genres cinématographiques que le réalisateur de La Vierge des tueurs n’avait pas encore abordé : le récit connotation autobiographique. Son approche du cinéma avait été jugé sociologique, ethnographique, critique lorsqu’il s’agissait de se livrer à l’exercice du remake, du thriller ou du mélodrame hollywoodien, elle est ici ouvertement personnelle. Barbet Schroeder ne parle pourtant pas directement de lui-même, mais dresse un portrait pudique de sa mère, prétexte à un retour à Ibiza qui fut le théâtre de son premier long métrage More (film formidable sur la drogue mais surtout sur l’impasse hippie et l’enterrement des espoirs de mai 68) et à une réflexion sur la mémoire, intime et collective, du XXème siècle avec ce passé qui ne passe pas, le nazisme et l’extermination des Juifs en Europe.
Par les thèmes qu’il convoque et l’époque où il se situe – la naissance de la scène électro à Ibiza, avec le télescopage de différentes cultures musicales, Amnesia est bien un film historique, à double et même à triple titre.
« Ibiza. Début des années 90, Jo (Max Riemelt) a vingt ans, il vient de Berlin, il est musicien et veut faire partie de la révolution électronique qui commence. Pour démarrer, l’idéal serait d’être engagé comme DJ dans le club L’Amnesia. Martha (Marthe Keller) vit seule, face à la mer, depuis quarante ans. Une nuit, Jo frappe à sa porte. La solitude de Martha l’intrigue. Ils deviennent amis alors que les mystères s’accumulent autour d’elle : ce violoncelle dont elle ne joue plus, cette langue allemande qu’elle refuse de parler… Alors que Jo l’entraîne dans le nouveau monde de la musique techno, Martha remet en question ses certitudes… »
Cette amnésie qui donne son titre au film de Schroeder est donc le nom d’un club électro d’Ibiza, c’est aussi le choix de Martha d’oublier qu’elle est allemande, et de refuser de parler une langue qui renvoie à de douloureux souvenirs d’enfance.
« Comme toi je suis douée de mémoire, je connais l’oubli » écrivait Marguerite Duras dans le dialogue inaugural de Hiroshima mon amour. Le réalisateur fait sienne cette sentence au travers d’une autre histoire d’amour impossible où deux temps, passé et présent, se superposent, où deux appréhensions de l’histoire et de ses séquelles se confrontent.
Ce film marque enfin une étape importante dans l’histoire de Barbet Schroeder, l’homme et le cinéaste, au zénith d’une mise en scène sereine et limpide.
La dimension testamentaire de Amnesia n’est pas innocente et Barbet Schroeder a voulu boucler la boucle d’une œuvre voyageuse et téméraire en retournant non seulement là où sa mère a vécu, mais sur le lieu inaugural de sa filmographie, où il tourna More, en 1969. Le grand directeur de la photographie Nestor Almendros qui éclaira les premiers films de Schroeder a cédé la place à un autre artiste de la lumière, Luciano Tovoli – avec lequel Barbet a aussi beaucoup travaillé – qui magnifie la mer Méditerranée, les ciels et les paysages de la plus grande des îles Pityuses.
A l’occasion de la sortie en salles de Amnesia ARTE diffusera le lundi 24 août à 22h20 More, premier film de Barbet Schroeder, en version restaurée. More sera également disponible en Replay sur ARTE+7.
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