ARTE diffuse Le Doulos (1962) de Jean-Pierre Melville le lundi 26 janvier à 20h50, l’un des très grands films de son auteur. Maurice (Serge Reggiani) sort de prison. Il se venge en tuant l’assassin de sa femme et vole des bijoux à un autre gangster. Il retrouve son ami Silien (Jean-Paul Belmondo) sans savoir que ce dernier, soupçonné d’être un indicateur de police, joue un double jeu. Au terme d’une intrigue des plus compliquée, le spectateur découvrira les véritables motivations et les raisons du comportement ambigu de Silien. Melville déclarait au sujet de son film : « Tous les personnages sont doubles, tous les personnages sont faux. J’ai prévenu les spectateurs au début du film avec la phrase de Céline : il faut choisir, mourir ou mentir. J’ai coupé la fin qui est : moi, je vis. »
La citation de Céline provient de Voyage au bout de la nuit. La suite n’en est pas « Moi, je vis » contrairement à ce que prétend Melville mais « Je n’ai jamais pu me tuer moi. » Elle est cependant moins apocryphe que le proverbe japonais en exergue du générique du Samouraï ou la maxime de Bouddha au début du Cercle rouge. Par l’intermédiaire de Céline Jean-Pierre Melville expose d’emblée les thèmes du Doulos, à savoir la duplicité, l’ambiguïté morale, le mensonge et le jeu avec les apparences, et par la même occasion avec les codes et les clichés du cinéma criminel.
Le cinéaste dégraisse un roman de la Série Noire écrit par Pierre Lesou du folklore de la pègre parisienne (l’argot notamment, sauf pour le titre : « doulos » désigne un chapeau mais aussi un indic) pour imposer sa propre mythologie, déjà ébauchée dans ses précédents films policiers. Tandis que Bob le flambeur s’apparentait à l’étude de mœurs et Deux Hommes dans Manhattan au reportage, Le Doulos est le premier vrai polar melvillien. La façon dont Melville utilise Belmondo, en le débarrassant de son cabotinage précoce, est admirable, inspirée par l’underplay des acteurs hollywoodiens. Le jeu de Belmondo dans un de ses meilleurs rôles annonce l’opacité brutale de Lino Ventura dans Le Second Souffle et la tristesse minérale de Alain Delon dans Le Samouraï. Les circonvolutions du récit, la caractérisation de certains personnages et le retournement de situation final font du Doulos, à égalité avec City of Fire de Ringo Lam, la source d’inspiration majeure du premier film de Quentin Tarantino, Reservoir Dogs.
Après Le Doulos ARTE diffuse à 22h50 The Limits of Control de Jim Jarmusch (2009), à revoir après le très beau Only Lovers Left Alive sorti l’année dernière. Une histoire de tueur à gages qui ne cache pas sa dette envers le style de l’auteur du Samouraï…
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