ARTE diffuse demain soir à 22h50 Raging Bull (1980), l’un des très grands films de Martin Scorsese, écrit par Paul Schrader d’après les mémoires de Jake La Motta. Raging Bull conte l’ascension et la déchéance du champion de boxe Jake La Motta, filmées comme un véritable chemin de croix, après celui du chauffeur de taxi Travis Bickle et avant celui du Christ lui-même dans l’adaptation controversée du roman de Kazantzakis. Ce classique du cinéma américain contemporain adulé par beaucoup de monde fut pourtant une déconvenue commerciale à sa sortie, peut-être en raison du choix de Scorsese de tourner en noir et blanc, sa violence et son pessimisme qui vont à l’encontre de la tradition hollywoodienne du mélodrame sportif. Même s’il n’échappe pas toujours à l’emphase Raging Bull est un monument inattaquable, en grande partie pour la composition à la fois géniale et monstrueuse de De Niro qui devient réellement un champion de boxe puis un obèse pour interpréter Jake La Motta.
Le simple enregistrement d’un acteur au travail plus ou moins convaincant dans le rôle d’un boxeur cède ici la place à la transformation d’un comédien en véritable pugiliste. De Niro après plusieurs mois d’entraînement avant le début du tournage avait atteint le niveau d’un athlète professionnel. L’excès de réalisme chez De Niro (trop de muscles puis trop de graisse) se mêle à une surenchère stylistique de la part de Scorsese, parfaitement à l’aise dans ce grand écart qui embrasse le néoréalisme et l’opéra. La performance de l’acteur est valorisée et amplifiée par une débauche d’effets visuels et sonores qui transforment les combats en chorégraphies, entre carnage peckinpahien et calvaire sulpicien.
Avec Scorsese, la boxe au cinéma est soudainement passée de l’âge d’or du classicisme au cinéma postmoderne ou maniériste sans passer par la modernité.
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