Olivier Père

La Nuit des diables de Giorgio Ferroni

Revu ce beau film dans le Blu-ray italien édité par Raro Cinema. Ignoré par les uns, admiré par les autres, La Nuit des diables (La notte dei diavoli, 1972) est le véritable crépuscule de l’épouvante italienne, un film mélancolique et dépressif qui débute et s’achève par deux séquences inoubliables, avec des passages gore qui semblent annoncer, presque avec amertume, les déferlements sanglants de Lucio Fulci. Film transitoire, La Nuit des diables vaut davantage que sa réputation de remake moderne de l’épisode « Le Wurdalak » dans le génial film à sketches Les Trois Visages de la peur (1963) de Mario Bava transposé dans la lugubre campagne yougoslave. Les deux films s’inspirent en effet de la même nouvelle de Tolstoï, sur une famille de paysans transformée en vampires, enfants compris, victimes de la malédiction du « Wurdalak », force maléfique vivant dans la forêt. C’est aussi le testament du bon artisan Giorgio Ferroni, alors âgé de 70 ans, qui signe son avant-dernier film. Il avait donné à l’âge d’or du fantastique italien une de ses plus belles réussites, Le Moulin des supplices, en 1960. La boucle est bouclée avec ce film d’horreur aux couleurs automnales, véritable chainon manquant entre la poésie de Mario Bava et la violence de Lucio Fulci, avec un soupçon d’érotisme délivré par la belle Agostina Belli dans le rôle de Sdenka, la fille de la famille qui tombe amoureuse d’un étranger de passage, perdu dans la région (Gianni Garko.) Les effets spéciaux sanguinolents sont réalisés par Carlo Rambaldi avant son départ à Hollywood pour de plus nobles tâches. La superbe et lancinante musique de La Nuit des diables est signée Giorgio Gaslini, exacerbant la tristesse du film avec un thème féminin dédié au personnage émouvant de Sdenka et bénéficiant de la voix extraordinaire d’Edda dell’Orso, chanteuse soprano rendue célèbre par ses collaborations avec Ennio Morricone. A noter qu’une chapelle cinéphilique internationale dévolue à l’étude et l’admiration de classiques rares et méconnus mais aussi d’un certain cinéma contemporain radical s’est baptisée « The Ferroni Brigade », constituée de « Ferronians », en hommage au réalisateur de La Nuit des diables qui a réalisé d’autres films bis à redécouvrir, parfois sous le pseudonyme de Calvin Jackson Paget.

Affiche espagnole de La Nuit des diables

Affiche espagnole de La Nuit des diables

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