Olivier Père

Sonate d’automne de Ingmar Bergman

ARTE diffuse cette nuit Sonate d’automne (Höstsonaten, 1978) d’Ingmar Bergman à 00h20, précédé d’un documentaire inédit de Georg Mass « Liv Ullmann en plans rapprochés » sur la grande actrice bergmanienne à 23h25. Charlotte Andergast (Ingrid Bergman), pianiste de renommée internationale, est invitée par sa fille Eva (Liv Ullmann), mariée à un pasteur plus âgé qu’elle, à lui rendre visite après sept ans pendant lesquels les deux femmes ne se sont pas vues. Le couple héberge la jeune sœur d’Eva, Helena, handicapée mentale, qui avait été placée par Charlotte dans une institution. Bientôt, les tensions refont surface entre Eva et sa mère qui l’a toujours négligée au profit de sa carrière et de son plaisir, pour aboutir à une douloureuse nuit de conversation et d’affrontement. Ce film de chambre sur des rapports de haine, de domination et d’égoïsme entre une femme et sa mère bouscule la notion de dévotion maternelle et de piété filiale et propose un véritable concentré de cruauté, de souffrance et de névroses féminines sur lequel plane la mort, le deuil et la maladie, mais aussi un amour impossible à exprimer ou à donner. Il offre à deux actrices d’exception l’occasion de performances extraordinaires.

Si Liv Ullmann partagea la vie et joua dans une dizaine de films du maître suédois, de Persona (1966) à Saraband (2003), Sonate d’automne possède la particularité de réunir pour la première et unique fois Ingmar et Ingrid Bergman (aucun lien de parenté) au même générique. Ce sera d’ailleurs le dernier long métrage cinématographique de l’actrice, déjà malade, et les deux artistes garderont un souvenir mitigé de l’expérience, marquée par des désaccords et des incompréhensions au moment du tournage. Bergman, peu habitué à rencontrer la moindre forme de résistance ou de contradiction sur un plateau, ne mentionnait pas Sonate d’automne parmi ses films préférés. Pourtant il lui consacre un long chapitre dans ses mémoires cinématographique « Images » publiées en 1990 trois ans après son autobiographie « Lanterna Magica ». Une nuit d’insomnie et d’angoisse Bergman imagine et conçoit un film sur le thème de la relation mère fille et pense immédiatement à en confier les rôles principaux à Ingrid Bergman et Liv Ullmann. Ce sera Sonate d’automne.

Le réalisateur et la star hollywoodienne d’origine suédoise s’étaient promis de faire un film ensemble depuis longtemps, mais leurs méthodes de travail se révélèrent peu compatibles. Cependant les griefs de Bergman contre son propre films ne concernaient pas son interprète, au final remarquable – au même titre que Liv Ullman – et dont il vanta le professionnalisme. Avec Sonate d’automne, Bergman approuvait avec regret un critique français qui lui reprochait « de faire du Bergman », pour ajouter immédiatement « Si j’avais eu la force de réaliser ce que j’avais, au fond, l’intention de faire, il n’en aurait pas été ainsi » et un peu plus loin que le film pour être parfait aurait dû rester à l’état de rêve. « Pas un film de rêve, mais le rêve d’un film. » Nouvelle preuve de l’exigence et de la sévérité envers soi-même d’un artiste moderne, génial et torturé, qui scruta l’âme et les relations humaines avec une vérité et une violence souvent, comme c’est le cas ici, à la limite du soutenable.

 

Catégories : Sur ARTE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *