Olivier Père

La Flamme pourpre de Robert Parrish

Sidonis vient d’éditer en DVD et en Blu-ray La Flamme pourpre (Purple Plain, 1954) de Robert Parrish. Il s’agit d’une production anglaise (Rank) réalisée par un cinéaste américain avec la star Gregory Peck. Ce très beau film échappe à toute classification et se révèle atypique – par son récit, son humanisme et ses images poétiques – si on le compare aux autres films de guerre. Certes il emprunte beaucoup à l’esthétique des films anglais de l’époque – pour le meilleur – avec un travail photographique exceptionnel que l’on doit à Geoffrey Unsworth, génial chef opérateur alors à l’orée de sa carrière (il avait auparavant été opérateur sur des films de Powell et Pressburger) et qui signera ensuite la photo des superproductions 2001, l’odyssée de l’espace, Cabaret, Superman ou Tess. On doit à Unsworth les superbes images en Technicolor de la jungle birmane, mais aussi des gros plans qui transcendent la beauté de Gregory Peck et de Win Min Than, dont c’est l’unique apparition à l’écran, et une extraordinaire scène de flash back qui explique le comportement névrotique du personnage de Peck au début du film.

Gregory Peck interprète Forrester un pilote canadien traumatisé par la mort de sa femme lors d’un bombardement à Londres. Envoyé sur une base militaire anglaise à Burma, son comportement suicidaire lors des missions dont il a le commandement inquiète ses supérieurs et ses hommes. Il est également victime d’hallucinations auditives et de cauchemars, comme le montre la scène d’ouverture où il croit entendre une attaque aérienne et se trouve en proie à une crise de panique. Forrester est un homme hanté par la mort et le film va conter son cheminement vers la guérison, grâce à sa rencontre dans un dispensaire tenu par une missionnaire d’une jeune femme birmane, dont la grâce, la bonté et la sérénité vont lui redonner goût à la vie.

La Flamme pourpre n’a donc rien en commun avec les récits guerriers et propagandistes habituels puisqu’il narre un combat intérieur où l’ennemi japonais n’est jamais montré. En revanche c’est une déclaration d’amour à la Birmanie, terre de spiritualité qui va devenir le pays d’adoption de Forrester, décidé à y vivre auprès de sa bien-aimée après une terrible épreuve qui constitue l’apogée du film. Lors d’un vol de routine un moteur de l’avion de Forrester prend feu et l’appareil atterrit en catastrophe en jungle birmane, en territoire japonais. Forrester, son second et un passager doivent traverser la jungle malgré la soif, les blessures et la chaleur écrasante, pour rejoindre la rivière et avoir une chance de trouver des secours. La Flamme pourpre devient alors une formidable histoire de survie, et la lutte surhumaine de Forrester contre l’épuisement et le découragement nous renseigne sur son désir retrouvé d’habiter le monde des vivants et de faire taire ses démons.

C’est sans doute l’un des sommets, trop méconnus, de la filmographie de Robert Parrish dont nous avions déjà vanté les mérites de L’Aventurier du Rio Grande, western disponible chez le même éditeur. Mais ce cinéaste qui débuta sa carrière comme enfant acteur notamment chez Chaplin et Ford a réalisé plusieurs excellents films (Libre comme le vent, L’Enfer des tropiques, l’étrange thriller de science-fiction Danger, planète inconnue…)

La sobriété se mêle au lyrisme dans La Flamme pourpre, superbe histoire d’amour en temps de guerre, dans laquelle les forces de la vie triomphent de la mort. Il faut aussi saluer le courage de Parrish qui parvint à imposer une jeune femme birmane inexpérimentée mais authentique et crédible dans le rôle plutôt qu’une actrice anglo-saxonne grimée en asiatique, dans une histoire d’amour interraciale qui brise plusieurs tabous et s’affranchit des clichés.

 

 

 

 

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