Olivier Père

Cannes 2012 Day 10 : Touristes de Ben Weathley (Quinzaine des réalisateurs) ; Maniac de Franck Khalfoun (Sélection officielle, hors compétition, séance de minuit)

Touristes

Touristes

Deux films d’horreur, généralement peu représentés à Cannes, ont marqué la fin de ce festival, deux visions modernes du genre peu avares en scènes choquantes et en idées de mises en scène.

Ben Weathley est sans doute l’apparition la plus notable dans le cinéma britannique depuis des lustres. Son film précédent Kill List (sortie cet été en France, distribué par Wild Side), découvert l’année dernière, est un choc dont on ne s’est pas encore remis, et qui compte déjà parmi les meilleurs titre du cinéma d’horreur contemporain. Son nouveau et troisième long métrage Touristes (Sightseers) qui creuse le même sillon mais sur un mode humoristique, ne déçoit en aucune manière nos attentes. Ben Weathley est un drôle de cinéaste, totalement indépendant et anarchiste à sa manière, qui a réussit le mariage entre deux courants important du cinéma britannique, le film social et réaliste tendance Mike Leigh et le filon horrifique lui aussi réaliste tendance Pete Walker (soit les deux extrêmes d’une même dimension triviale et prolétaire du cinéma anglais, que nous avions déjà évoqués dans ce blog). On pourrait y ajouter des influences païennes puisque The Wicker Man de Robin Hardy est cité à la fois dans Kill List et Touristes. Mais Weathley ne se contente pas de revitaliser un genre moribond. Il invente à partir de ses souvenirs de cinéphiles et de la culture populaire de son pays des formes cinématographiques nouvelles, avec des figures de style, une utilisation surprenante de la musique et un talent visuel très excitants, loin des clichés publicitaires du cinéma de genre anglais (hormis les doués Christopher Smith et Neil Marshall). Il y a certainement quelque chose d’expérimental et d’inédit dans son appréhension du cinéma qui le rend passionnant. Précis de misanthropie et d’humour noir, Touristes peut se voir comme une version déjantée et inversée d’Another Year de Mike Leigh, avec son couple de banlieusards bêtes et méchants prêts à trucider, par jalousie, maniaquerie ou pur vice tout ceux qui croisent leur chemin à l’occasion d’un périple en caravane. Le scénario est écrit par le couple vedette du film, qui fourmille d’idées incroyables et Touristes va trop loin dans le nihilisme et le mauvais goût typiquement britannique (un peu comme Bronson de Nicolas Winding Refn mais de manière moins référentielle) pour être pris pour une sale blague potache ou un produit cynique et ricanant. Ben Weathley est un véritable auteur et un cinéaste qui ne n’a pas fini de nous étonner, s’il continue d’aller aussi loin dans une folie et une vision cauchemardesque de la vie qui n’appartient qu’à lui.

Maniac est le remake du célèbre film de William Lustig (1980), classique de l’horreur moderne américaine au même titre que Zombie de Romero ou Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Issu du cinéma pornographique, amateur de cinéma bis, William Lustig dressait le portrait éprouvant d’un tueur en série qui fit date pour ses trucages gore de Tom Savini, l’interprétation terrifiante de Joe Spinnell et l’efficacité de la mise en scène du cinéaste débutant. Dans l’original, inspiré par Psychose, un tueur psychopathe traquait et scalpait des femmes dans les nuits de New York, et commettait d’autres crimes horribles, hanté par les souvenirs traumatisants d’une mère abusive. Maniac était un sommet de cinéma malsain, sanglant et glauque, qui adoptait le point de vue de son monstrueux personnage principal, ne nous épargnait rien de ses agissements meurtriers ou de ses hallucinations. On reviendra plus tard sur ce film légendaire. Le remake de Franck Khalfoun, écrit par Alexandre Aja et Grégory Levasseur, produit par Thomas Langmann, Aja et Lustig lui-même, est très fidèle à l’original. Transposé à Los Angeles, il a la bonne idée de substituer à Joe Spinnel, acteur bedonnant et au physique effrayant, le séduisant jeune premier Elijah Wood, comme Hitchcock avait choisit Anthony Perkins pour interpréter Norman Bates. L’autre idée du Maniac de 2012 est d’être filmé presque entièrement en caméra subjective, adoptant le point de vue du tueur et changeant d’axe seulement pendant les scènes de meurtres, pour souligner la schizophrénie du personnage. Procédé un peu répétitif mais qui est ici plutôt bien gérée. Maniac s’apparente aux précédents remakes du duo Aja-Levasseur, La colline a des yeux et Piranha 3D, excellents et malins, et à leur film gore Haute Tension qui contenait aussi des scènes éprouvantes. Musique et images créent un climat étouffant qui devrait enchanter les amateurs de sensations très fortes et diriger tous les autres vers la porte de sortie dès le pré générique.

Maniac

Maniac

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