
Bande originale de Super Fly par Curtis Mayfield
Dans les années 90, le regain éphémère d’intérêt pour la blaxploitation, ce courant du cinéma commercial américain mettant en vedette dans les années 70 des héros et des héroïnes noirs, dans des polars ou des films d’action de série B, n’a pas permis de sauver beaucoup de titres, malgré l’enthousiasme de Quentin Tarantino et ses clins d’œil au sous-genre dans son beau Jackie Brown (1997). On retiendra au mieux quelques acteurs au charisme sexuel et physique évident, comme Fred Williamson, Jim Brown ou Pam Grier, et une poignée de perles d’un « cinéma bis » violent et sans complexe, telles Black Caesar de Larry Cohen et Foxy Brown de Jack Hill. Super Fly (1972) demeure un fleuron emblématique du genre, moins sur le plan cinématographique (le film est assez faible) que sociologique et politique. Il est réalisé par Gordon Parks Junior, le fils du photographe noir qui signa avec Les Nuits rouges de Harlem (Shaft, 1971), l’un des premiers gros succès de la blaxploitation, alors que la majorité des films suivants de ce filon fructueux fut produite et réalisée par des blancs. Super Fly fut également une fructueuse entreprise commerciale qui doit beaucoup à l’exceptionnelle bande originale de Curtis Maysfield qui rythme le film et lui est de loin supérieure. Le film véhicule tous les éléments à la fois mythologiques et documentaires de la blaxploitation : héros super viril avec généralement deux poules blondes dans son lit, exubérance vestimentaire et capillaire, attitude cool, exacerbation du racisme entre Noirs et Blancs. Le héros, Priest, est un dealer accro à la cocaïne (il sniffe à l’aide d’une cuiller en forme de crucifix) qui rêve de faire fortune ave son associé en plaçant un capital de 300.000 dollars, pour acheter 30 kg de drogue, les écouler en quatre mois et réaliser un bénéfice d’un million de dollars. Mais le syndicat ne l’entend pas de cette oreille. Comme The Mack, un film jumeau sur le proxénétisme, Super Fly est une critique du capitalisme et d’une version dévoyée du rêve américain. Tandis que les films standard de la blaxploitation mettaient en valeur les figures du justicier ou du gangster, Super Fly propose un personnage principal beaucoup plus trouble en forme de héros négatif, puisqu’il est à la fois icône masculine, junkie et dealer. Dommage que la platitude de la mise en scène ne valorise guère l’ambiguïté du personnage de Super Fly, interprété avec un talent limité par le moustachu Ron O’Neal (qui réalisa lui-même la suite de Super Fly l’année suivante, Super Fly T.N.T. où il reprend le rôle de Priest, cette fois-ci à Rome !)
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