Véritable agité du cercueil, le diabolique Zé do Caixao ressuscite d’entre les morts et part à la recherche de la femme digne d’assurer sa descendance.
Il existe en Amérique latine une tradition populaire du cinéma fantastique imprégné de catholicisme, étrange mixture entre le baroque local et le gothique anglo-saxon. Le plus beau fleuron de cette tendance est le mexicain Les Proies du vampire (El vampiro, 1957) de Fernando Méndez.
Mais au Brésil, les choses sont beaucoup moins claires. Cette nuit, ton corps m’appartiendra – inédit en France en salles, mais diffusé à la télévision, la traduction littérale du titre étant « Cette nuit je m’incarnerai dans ton cadavre » – (Esta Noite Encarnarei no Teu Cadáver, 1967), issu de l’imaginaire délirant de José Mojica Marins, ne se rattache que superficiellement aux histoires de vampires et de sorciers. José Mojica Majins (né en 1936 à São Paulo), à peu près inconnu chez nous sauf des amateurs de bizarreries exotiques et de films bis, est une institution vivante au Brésil. Cinéaste bateleur, Majins fut la vedette et l’auteur complet d’une longue série de films très populaires mais aussi de shows télévisés, de spectacles théâtraux, de bandes dessinées. Authentique cinglé, génie ou imposteur ? Mégalomane, Majins se pose lui-même la question dans ses films et cultive la confusion entre sa personne et son personnage, Zé do Caixao (“Coffin Joe” aux États-Unis), sorte de magicien sataniste (cape noire et ongles longs), héros récurrent d’une série de films conclue – provisoirement ?- en 2008 avec Encarnação do Demônio, présenté au Festival de Venise. Les films de Majins sont des fables blasphématoires et macabres qui glorifient la drogue, l’érotisme, le nihilisme, la bestialité et l’instinct contre la raison. Parmi les meilleurs titres de JMJ, À minuit je posséderai ton âme (À Meia-Noite Levarei Sua Alma, 1964) est le premier opus des aventures de Zé do Caixao, dans lequel le croque-mort terrorise les bigots d’un petit village brésilien. De ces collages d’histoires fantastiques et de rugissantes incantations, mêlant terreur pure et discours critique, surgissent des moments réellement inspirés de poésie surréaliste, lors de scènes infernales débarrassées de toute contingence dramatique. Majins est un artiste « panique », un Jess Franco brésilien (même s’il n’a réalisé que 36 films et interprété une cinquantaine), un Ed Wood surdoué du cinéma novo qui aurait lu Sade. Glauber Rocha (cité par Majins lui-même dans un de ses films) aurait dit de ce fou grandiose qu’il était un cinéaste primitif, un filmeur né. Nous confirmons. Nous l’avions rencontré à Paris, avec Philippe Azoury, pour un entretien délirant publié dans « Libération » en août 1999, à l’occasion d’un hommage à « L’Etrange Festival. » Il a depuis été l’objet de nombreuses rétrospectives dans le monde entier, et son œuvre a été enfin découverte par les cinéphiles et amateurs de cinéma fantastique, notamment grâce à l’édition DVD de ses films, surtout dans les pays anglo-saxons.
Cette nuit, ton corps m’appartiendra de José Mojica Marins
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