Olivier Père

Frayeurs de Lucio Fulci

Frayeurs

Frayeurs

On n’en aura jamais fini avec Lucio Fulci, artisan du cinéma bis dont la prolifique carrière d’abord dédiée à la comédie puis à l’horreur et à la violence connut des hauts et de bas, symptomatiques des modes et de tendances du cinéma populaire italien, jusqu’à son déclin irréversible à la fin des années 80. Mais on retiendra chez Fulci un univers personnel malgré tout, une vision très cynique et misanthrope du monde qui s’épanouira tout naturellement dans le cinéma « gore », mais qui contaminera également ses incursions dans le western ou le film d’action. Frayeurs (Paura nella città dei morti viventi, 1980) fait partie avec L’Au-delà et La Maison près du cimetière d’une trilogie informelle dont les ingrédients immuables (demeures hantées, portes infernales, zombies, meurtres sanguinolents et ultra violence baroque) permirent à Lucio Fulci de devenir le pape, avec son rival Dario Argento, du fantastique italien à l’orée des années 80. Tout commence dans Frayeurs par le suicide d’un prêtre qui va déclencher, dans la petite ville de Dunwich (référence directe à Lovecraft) des événements aussi illogiques qu’atroces dont la succession, scandée par une musique électronique lancinante signée Fabio Frizzi et de maigres dialogues ânonnés par des acteurs ectoplasmiques va tenir lieu de scénario expérimental. Si L’Au-delà est plus réussi, et La Maison près du cimetière plus radical, Frayeurs peut se vanter d’être le film le plus choquant de Fulci, au point que deux scènes célèbres – et répugnantes – furent sévèrement censurées lors de sa distribution française : le crâne d’un marginal transpercé par une chignole électrique et une jeune femme vomissant l’intégralité de ses entrailles. Au-delà de ce grand guignol décadent, Frayeurs illustre la thématique fulcienne de la superposition d’univers disjoints, du point de rencontre entre le cauchemar et la réalité, le passé et le présent, le monde des morts et celui des vivants. L’espace de quelques films, Fulci parvint à faire rimer magie et vomi, au point de devenir pour ses admirateurs non seulement un maître du macabre, mais aussi un esthète de la pourriture, enregistrant avec une cruauté malsaine et une lucidité ricanante la mort du cinéma italien de genre, étroitement liée à son propre déclin professionnel. Nous reviendrons plus tard sur les autres films importants de Fulci, et d’autres moins connus que nous aimons beaucoup, comme Liens d’amour et de sang (Beatrice Cenci, 1969) ou La Guerre des gangs (Luca il contrabbandiere, 1980).

Affiche française de Frayeurs

Affiche française de Frayeurs

Catégories : Actualités

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