Prisoners

Dans la banlieue de Boston, les familles Dover et Birch célèbrent Thanksgiving ensemble. À la fin du repas, horreur : leurs deux fillettes de 6 ans ont disparu. Un mystérieux camping-car a été aperçu dans le quartier peu de temps auparavant, et les soupçons se portent rapidement sur son conducteur. Ce dernier se révèle être un déficient mental, que les policiers sont contraints de relâcher faute de preuves. Furieux, Keller Dover, le père de la petite Anna, décide de mener sa propre enquête, quitte à user de la plus grande brutalité.

Autodéfense et question de morale
Si la lutte entre le bien et le mal est un thème classique du cinéma hollywoodien, Prisoners s’inscrit dans le genre avec une force peu commune. Mêlant les séquences chocs à un suspense auquel le spectateur ne peut que souscrire (il faut retrouver les deux enfants au plus vite), Denis Villeneuve tend un piège émotionnel semé de coups tordus. L’atmosphère, oppressante, tendue d’une violence qui ne demande qu’à éclater, rappelle Mystic River de Clint Eastwood ou Zodiac de David Fincher. Mais le réalisateur canadien s’aventure franchement sur le champ de la morale. Bon patriote et père de famille, survivaliste et très croyant, Keller Dover (impressionnant Hugh Jackman) n’hésite pas à séquestrer et torturer le suspect du rapt, entraînant avec lui l’autre père et court-circuitant littéralement l’action de la police, vue comme cafouilleuse et manquant de moyens. Jusqu’où aller pour une cause aussi vitale ? Peut-on justifier l’injustifiable ? Le film tend un miroir à une certaine Amérique paranoïaque, prête à sacrifier son humanité par réflexe sécuritaire.