Heysel 1985, dans l’enfer de la foule

Quarante ans après, le traumatisme reste vif. Pour les amateurs de football, "le Heysel" ne désigne plus l’emplacement d’un stade mais un point de non-retour, un moment de basculement où la folie des hommes a dépassé l’entendement. Le 29 mai 1985, Bruxelles accueille le point d’orgue de la saison de football, la finale de la Coupe d’Europe opposant les tenants du titre, les Reds de Liverpool, et les Bianconeri de la Juventus de Turin. Mais avant le match, des provocations puis des bagarres entre les hooligans et les tifosi provoquent des mouvements de foule incontrôlables. Les supporters italiens reculent face à la charge des fans anglais et se retrouvent écrasés ou piétinés contre les murets et les grilles de protection de la tribune Z. Dans la confusion la plus totale et sans que grand monde comprenne ce qui est en train de se dérouler en direct à la télévision, 39 personnes périssent, dont 32 Italiens. Près de 500 blessés sont évacués de la masse compacte. Quelques minutes plus tard, le match débute : les autorités ont décidé de ne pas prendre le risque de mécontenter les 59 000 spectateurs... et trop d’intérêts financiers sont en jeu.

Aux sources du chaos
Comment un tel cauchemar a-t-il pu se produire, alors que cette finale aurait dû se dérouler sous le contrôle des autorités ? Le film de Christophe Hermans et Boris Tilquin reprend un à un les facteurs du drame et pointe l’échafaudage de responsabilités qui a conduit à la catastrophe. Un stade vétuste et délabré qui n’aurait jamais dû être choisi par l’UEFA, un dispositif policier insuffisant et incompétent, des spectateurs en surnombre… entre autres paramètres. Très fouillée, cette enquête remonte aux sources sociales de la tragédie, notamment la culture de la violence des hooligans attisée par la colère née des années Thatcher. Mais elle donne aussi la parole aux acteurs et témoins de l’époque (commissaire, journalistes, spectateurs, ambulancier ou fan liverpuldien condamné par la justice) qui, avec franchise et non sans émotion, restituent toute la complexité de cette faillite collective. Avec des images d’archives impressionnantes, dont certaines jamais diffusées en intégralité, ce film documentaire relance un questionnement récurrent : comment la passion du football peut-elle générer un tel chaos ?