Small Axe (1/5)Mangrove

Notting Hill, 1968. Frank Crichlow ouvre le Mangrove, restaurant chaleureux qui devient le QG de la communauté afro-caribéenne de Londres. Le couple mixte et militant formé par Darcus et Barbara ainsi que la Black Panther Altheia font partie des habitués. Frank, lui, ne veut pas d’ennuis. Dans ce "pays d’accueil" inhospitalier, cet entrepreneur scrupuleux, natif de l’île de la Trinité, se tient à l’écart de la politique. Mais une énième descente de police, ponctuée de coups et d’injures racistes, le rend fou de rage. Pour dénoncer ce harcèlement, le restaurateur participe à une marche de protestation devant le commissariat du quartier. Arrêté, il est accusé, comme huit autres manifestants, d’émeutes et de violences publiques. Démarre alors le procès des "Mangrove Nine", qui prend au fil des débats un tour politique. Pour les neuf prévenus noirs et leurs soutiens, il s’agit de rendre publiques les discriminations dont ils sont victimes et la haine raciale qui sévit dans la police. 

Épopée rageuse 
Cinéaste oscarisé pour 12 Years a Slave et artiste contemporain coté, le Britannique Steve McQueen a ajouté depuis quelques années la corde des séries à son arc fourni. Grâce à Small Axe, diffusé en 2020 sur BBC One, il a permis à la télévision publique anglaise de s’emparer d’un pan négligé de l’histoire : les luttes antiracistes de la communauté afro-caribéenne de Londres. Celle-ci combattit avec courage une ségrégation raciale moins officielle que celle qui sévit aux États-Unis, mais tout aussi toxique. Sur une période intense qui va de 1962 à 1982, cette série originale déroule dans chaque épisode une histoire distincte, presque toujours inspirée de faits réels, reformant cette épopée rageuse en cinq regards croisés. Brassant thèmes et genres (film de prétoire dans Mangrove, sensuel cocktail de danse et de peur dans Lovers Rock, biopic du policier noir Leroy Logan dans Red, White and Blue, récit d’émancipation dans Alex Wheatle, conte à hauteur d’enfant dans Education), Small Axe s’attaque aux composantes d’un racisme qui contamine institutions et voisinage dans une Londres en proie à la crise économique et au chômage. Sobrement mise en scène, la série montre le visage nullement résigné, mais, à l’inverse, combatif d’une communauté noire qui la joue collectif. Réunissant The Wailers, The Specials, Al Green, Small Faces, Michael Kiwanuka..., la bande-son luxuriante mérite le détour, dans cette chronique tendue où les nombreuses séquences musicales agissent comme des soupapes, et dont le titre s’inspire d’une protest song de Bob Marley.