Chien de la casse

Deux amis d’enfance au seuil de l’âge adulte vivent à Pouget, un village du sud de la France, aussi joli qu’il est mort hors saison. Plus à l’aise sur un terrain de foot qu’en société, Dog veut s’engager dans l’armée. Beau parleur, sans emploi malgré un CAP de cuisine, Mirales deale et joue les forts en gueule sur la petite place où s’enracinent les jeunes du village. Mal dans sa peau, il a pris l’habitude de rudoyer son ami, qui fait le gros dos en attendant que ça passe. Mais l’infortuné Dog tombe amoureux de la jolie Elsa, nouvelle venue à Pouget, qui n’a nulle envie d’entrer dans le jeu toxique de Mirales. Se sentant exclu, ce dernier redouble d’agressivité.

Mystérieuse loyauté
Comment un jeune homme intelligent et sociable en vient-il à martyriser un copain qu’il aime par-dessus tout ? Au nom de quelle mystérieuse loyauté ce dernier encaisse-t-il les brimades ? Sans donner toutes les réponses, le film esquisse une piste du côté d’une jeunesse des villages plus proche de celle des cités que du monde paysan. Le réalisateur Jean-Baptiste Durand, qui la connaît bien et la jugeait jusqu’ici absente du cinéma, en fait le portrait saisissant, ne lâchant pas du regard ces garçons virant sans crier gare de la subtilité aux rapports tribaux, traînant leur ennui et leur chien en survête, voire en pyjama, et confondant dans un même attachement viscéral leurs potes et leur village. Dans ce microcosme menacé par le vide culturel, déserté par les touristes comme par les parents, mutiques ou absents, les rapports de domination s’instaurent facilement : le plus fort (ou le plus frustré), celui qui parle bien prend l’ascendant sur l’autre. Ce film qui a valu à Raphaël Quenard (Mirales) – et son formidable bagout – le César du meilleur acteur, s’appuie aussi sur deux autres comédiens : Anthony Bajon (Dog), qui souligne la vulnérabilité de son personnage par un jeu à fleur de peau, et Galatéa Bellugi (Elsa), physionomie ouverte et spontanée, sur laquelle la douce lumière de l’hiver provençal agit comme un révélateur. Coup d’essai et de maître, un film primé, plébiscité par le public et la critique, qui a vu en lui le renouveau du cinéma d’auteur français.