Dans l'angle mort

Dans le nord-est de la Turquie, Simone, une documentariste allemande, et son cameraman se préparent à filmer les rituels que Hatice, une grand-mère kurde, observe en l’honneur de son fils disparu vingt-six ans plus tôt, enlevé par les services secrets turcs. Si Simone dit s’intéresser aux monuments immatériels, son documentaire est également consacré à la minorité kurde en Turquie. Elle prévoit d’interviewer Eyüp, un avocat d’origine kurde dévoué à sa communauté, mais le jour venu, il disparaît. Leyla, son interprète, lui apporte une piste, aussi intéressante que dangereuse : celle de son voisin Zafer, membre d’une milice antiterroriste qui surveille étroitement Eyüp. Mais Zafer est lui-même harcelé par un stalker inconnu que seule Melek, sa fille de 6 ans, semble remarquer...

Rythme effréné
Avec ses multiples changements de perspective et de chronologie, Dans l’angle mort fait appel à l’intelligence du spectateur et à sa capacité à combler les informations manquantes, à l’instar de ses différents personnages, étouffés par un réseau de surveillance qui accentue leur paranoïa. La réalisatrice et scénariste Ayşe Polat rend ainsi compte de la pression politique qui pèse sur la population kurde en Turquie tout en explorant le thème du trauma individuel et collectif. Entre les images provenant du tournage, celles des caméras de surveillance et des vidéos filmées par Zafer et l’homme qui la traque, des indices visuels s’imposent, pesant comme une chape de plomb. Un thriller étouffant au rythme effréné, doublement récompensé en 2024 au Prix du film allemand.