Doyennes du monde, mémoires du siècle

À Coimbatore, au sud de l’Inde, Nanammal Amma est professeure de yoga. Ilse Helbich, elle, vit en Autriche. Écrivaine, elle s’est fait connaître à l’âge de 80 ans en publiant son autobiographie. À Cuba, la militante Aydée Arteaga Rojas a œuvré pour la défense des droits de la population colonisée, en plus d’être une formidable conteuse. Tamar Eschel, à Tel-Aviv, se voit récompensée pour ses services rendus à l’État d’Israël en tant qu’agente de renseignements puis députée. En Turquie, Nermin Abadan-Unat a été professeure de sociologie et sa trajectoire inspire les étudiants turcs d’aujourd’hui. Ces cinq femmes ont pour point commun d’avoir atteint un siècle de vie : elles racontent leurs histoires, caractérisées, chacune à leur manière, par le besoin de dépasser une condition assignée, avec pour résultat le legs d’une empreinte durable.

Destins déjoués
"Je suis une rebelle, une insoumise. La révolte est ancrée en moi" : ainsi parle Nermin Abadan-Unat, qui à 15 ans seulement a quitté sa famille émigrée en Autriche pour rejoindre la Turquie et y tracer sa route vers le savoir et l’enseignement. Aydée Arteaga Rojas pourrait en dire autant, ayant dès son plus jeune âge combattu le racisme et milité pour un accès égalitaire à la culture dans la société cubaine. Au son du piano de Colette Maze, la plus âgée des musiciennes françaises (106 ans lorsque ce film a été tourné), leurs récits se mêlent à celui de Tamar Eschel, qui a fui les pogroms russes pour jouer un rôle actif dans la construction d’Israël. Nanammal Amma et Ilse Helbich ont, quant à elles, déjoué les destins que leur avait écrits une société pétrie de conventions. Au-delà des différences culturelles, ces femmes, dont certaines sont aujourd’hui décédées, se sont distinguées dans un monde qui n’était pas modelé pour elles, et continuent d’impressionner par leur force et leur lucidité.