Boualem Sansal''La littérature, pas la guerre"

Accusé d’"atteinte à l’intégrité du territoire national", l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, 75 ans, a été arrêté le 16 novembre dernier, dès sa descente d’avion à l’aéroport d’Alger, à la suite de propos tenus sur le Sahara occidental dans le média français d’extrême droite Frontières (dont il est membre du comité d’experts). Depuis, on est sans nouvelles de lui. Malgré une vingtaine d’années de vives critiques à l’égard du pouvoir algérien, ce romancier et essayiste avait continué à vivre dans son pays natal, à Boumerdès, au bord de la mer, avant de décider récemment de s’installer en France, dont il avait obtenu la nationalité en 2024. Cette arrestation arbitraire a créé un vif émoi et un mouvement de soutien dans les milieux littéraires et intellectuels français. La mise en ligne de ce documentaire, tourné en 2010, nourri d’un grand entretien accordé par l’écrivain, d’images d’archives, de rencontres avec ses lecteurs et de citations de ses œuvres, permet d’éclairer cette personnalité libre et complexe, parfois controversée pour sa dénonciation constante des dangers de l’islamisme et sa récupération par l’extrême droite.

Espoirs, choc et chaos
Né en 1949 à Theniet El Had d’un mariage d’amour, fait rare et mal vu à l’époque, entre une fille de la ville et un paysan, Boualem Sansal n’a connu sa mère qu’à l’âge de 6 ans. "Tout ce qui s’est passé avant c’est un trou noir. J’ai l’impression d’avoir été balloté", confie-t-il. Avec sa verve et son franc-parler coutumiers, il raconte les espoirs, le choc et le chaos de la guerre d’indépendance, ses désillusions à l’égard de l’État algérien, lorsque cet ingénieur et économiste de formation rejoint la fonction publique, la naissance en littérature avec la publication du Serment des barbares, écrit pendant la décennie noire, cri de rage visant à "dénoncer tout ce qui avait fait de nous un peuple asservi". Bien perçu au départ par le régime algérien, Boualem Sansal sera pris en grippe au fur à mesure qu’il pointera le népotisme, la bureaucratisation et l’islamisation de la société, blâmant le financement des confréries religieuses et le verrouillage de l’information… jusqu’à son arrestation en novembre 2024.