Cinéaste transformiste et extrêmement prolifique depuis son apparition sur la scène du cinéma indépendant américain dans les années 1990, Steven Soderbergh se consacre désormais, à de rares exceptions près, à des programmes (films, séries) conçus pour les plateformes ou d’autres supports de diffusions numériques. Si Presence (2024) a finalement bénéficié d’une sortie salle dans plusieurs pays, il a d’abord été conçu comme une micro-production destinée au site du réalisateur. C’est dans sa veine expérimentale que Soderbergh se révèle souvent le plus passionnant. Cela se confirme avec Presence, une histoire de maison hantée dont le point de vue est celui d’une mystérieuse « présence », forcément invisible et hors champs, puisqu’il s’agit de la caméra elle-même. Presence n’est pas seulement un exercice de style, ou une contribution arty au genre du film fantastique. C’est un film personnel qui interroge les liens familiaux et propose une réflexion sur la mise en scène. Dans une période marquée par le gigantisme du cinéma d’auteur américain (The Brutalist), et une inflation de moyens (les récents films de Paul Thomas Anderson ou Guillermo del Toro), Soderbergh opte pour le mouvement inverse, soit le minimalisme le plus radical. Un film tourné dans un décor unique (une maison), avec quelques acteurs, entièrement en plans-séquence et en caméra subjective. Le résultat se révèle passionnant, quelque part entre le happening théâtral et le film théorique sur les potentialités du cinéma et du regard de la caméra – Soderbergh est son propre cadreur et directeur de la photographie. Malgré un dispositif plutôt aride, le cinéaste parvient à tenir le spectateur en haleine, sans renoncer à ses talents de conteur – le film est écrit par David Koepp, scénariste de Spielberg et De Palma. Par son sujet (le féminicide, l’emprise) et son approche des névroses familiales, c’est aussi un film très contemporain.
DVD et Blu-ray édités par Blaq Out.



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