Olivier Père

Géant de George Stevens

ARTE diffuse Géant (Giant, 1956) de George Stevens dimanche 1er juillet à 20h50. Cette grande saga familiale montre la modernisation rapide de l’état du Texas dans la première moitié du XXème siècle, avec la découverte de gisements de pétrole qui transforment soudainement des éleveurs de bétails en milliardaires. Ce passage vers une ère nouvelle n’empêche pas le maintien de mentalités rétrogrades et d’un mode de vie quasiment féodal. En racontant l’histoire d’amour mouvementée entre une fille de bonne famille du Maryland et un riche propriétaire texan, le film illustre également les oppositions au sein de la vaste Amérique entre l’Est progressiste et le Texas conservateur. Leslie, la jeune femme, découvre scandalisée la discrimination envers les Mexicains, ouvriers agricoles réduits à vivre dans des conditions misérables, mais aussi le machisme et l’intolérance de son mari, pur produit de la culture texane. Fresque sociale et historique, Géant demeure avant toutes choses un beau film sur le couple. Le désir et la passion qu’ils éprouvent l’un pour l’autre permettent à Leslie et à Bick de s’apprivoiser, d’apprendre à se comprendre et à surmonter leurs différences, de se compléter plutôt que de se déchirer. A l’intérieur de Géant, il existe un personnage – et un acteur – qui cohabitent mal avec le reste du film : un jeune solitaire écorché vif, pauvre fermier envieux de la réussite sociale de ses voisins. La découverte de pétrole sur son lopin de terre lui apportera la fortune, mais pas le bonheur. James Dean prête à Jett Rink sa silhouette frêle et nerveuse, le visage mangé par un Stetson qui lui cache les yeux. La composition névrotique de Dean tranche avec le jeu des autres acteurs, beaucoup plus classique. Le tournage fut d’ailleurs émaillé de conflits et d’incompréhension entre James Dean et le réalisateur George Stevens, mais aussi Rock Hudson, peu habitué aux maniérismes de l’Actors Studio. James Dean mourut dans un accident de voiture le 30 septembre 1955, quelques jours après les dernières prises de vues de Géant. Le film de Stevens, au même titre que La Fureur de vivre de Nicholas Ray, sont des films posthumes qui participèrent à la création du mythe autour de James Dean. Découvrir l’acteur de 24 ans grimé en homme de 50 ans dans la seconde partie de Géant provoque un sentiment étrange, nous donnant à voir un vieillissement artificiel qui n’aura jamais lieu dans la réalité.

La présence de James Dean aux côtés d’Elizabeth Taylor et de Rock Hudson confère à Géant une modernité qui empêche le film de résumer à du bel ouvrage hollywoodien. Dean n’est pourtant pas le seul élément dissonant de Géant. Souvent accusé d’académisme par les cinéphiles français, Stevens démontre au contraire un talent de cinéaste qui dépasse celui d’illustrateur. Sa mise en scène est puissante et regorge de plans étonnants, ou de brusques changements d’échelle à l’intérieur d’une scène, qui viennent briser le classicisme de l’ensemble. Les espaces désertiques démesurés du Texas, mais aussi les sentiments et comportements complexes de ses habitants sont magnifiés par le film de George Stevens, qui compte parmi ses grandes réussites, avec Une place au soleil, L’homme des vallées perdues et Le Journal d’Anne Franck.

 

 

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