Café Flesh (1982) est une étrangeté absolue. Longtemps underground, ce vrai faux film porno est désormais disponible dans la belle collection EPL (édition prestige limitée) de Carlotta, aux côtés de classiques de Truffaut, Antonioni, Coppola ou Polanski. Et pourquoi pas ? L’incroyable réputation de Café Flesh, tourné sous pseudonymes par des allumés de la contre-culture américaine des années 70-80 bien décidés à dynamiter l’industrie du porno de l’intérieur, n’est pas usurpée. Il s’agit bien d’une création expérimentale, quelque part entre Eraserhead de David Lynch et Cabaret de Bob Fosse, d’un trip punk futuriste unique en son genre où le consommateur de pornographie est renvoyé à son statut de voyeur impuissant et de spectateur aliéné, ergotant sur sa condition pathétique entre deux attractions anti-érotiques au possible. Café Flesh n’est pas l’œuvre de pornocrates mais d’artistes de la contre-culture venus du rock, de la littérature gonzo et de la presse satirique, auteurs et graphistes avec la provocation chevillée au corps. En réalisant Daydreams puis Café Flesh, Stephen Sayadian (sous le pseudonyme de Rinse Dream) et son coscénariste Jerry Stahl, associés à Francis Delia (alias F.X. Pope, coproducteur et directeur de la photographie) ont le projet bien précis de réaliser un film porno sans désir ni plaisir, dans lequel des ébats sexuels mécaniques sont offerts à un public de voyeurs rendus impuissants par les radiations d’une catastrophe nucléaire – le film se déroule entièrement dans un abri antiatomique transformé en night-club. Traversé de visions psychédéliques incongrues – homme-rat ou homme-crayon en train de forniquer sur scène, ce film ultra-nihiliste distille un malaise tenace, obsédant. Le film fut découvert en VHS en encensé par la frange la plus déviante de la cinéphilie française, dans les années 1980. On le retrouve aujourd’hui en UHD, BR et DVD, en version restaurée (nouvelle restauration 4k réalisée par Daniel Bird et le réalisateur Stephen Sayadian), dans une édition collector de grande qualité. Respect du format – on a le choix entre le 1.33 d’origine (à privilégier absolument) et une version 16/9 (1.85), affiches, photos et accompagnement éditorial à la hauteur de l’objet filmique avec de longs entretiens récents des auteurs, des images de tournages provenant de la télé américaine), un excellent petit livre reprenant sur un mode journalistique les propos de Sayadian et Stahl, et un autre livret-essai avec des contribution françaises et surtout américaines.



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