Olivier Père

Coffret Pusher

Entre fascination et répulsion, la trilogie Pusher installe solidement, au mitan des années 1990, les bases du cinéma de NWR, dont le grand sujet fut longtemps la masculinité en crise, à la fois surpuissante lors d’explosions de violence incontrôlées et défaillante le reste du temps, lorsqu’il s’agit de gérer des émotions ou la moindre responsabilité. Les trois films nous plongent dans les bas-fonds de Copenhague, sous l’influence du cinéma américain, mais aussi avec un souci d’authenticité documentaire, en mode guérilla. Les deux premiers films (surtout le deuxième où il tient le rôle principal) ont révélé Mads Mikkelsen, parfait en jeune voyou débile qui trouve in extremis une forme de rédemption dans la paternité – après avoir occis son propre père maléfique. Les débuts du jeune NWR, chaotiques et accidentés, continuent d’impressionner. Cette trilogie centrée sur trois tristes personnages qui évoluent dans l’univers du trafic de drogue a apporté à son jeune auteur complet Nicolas Winding Refn la gloire dans son propre pays le Danemark et aussi une certaine notoriété internationale. Il tournera ensuite en Grande-Bretagne (Bronson, Le Guerrier silencieux) et aux Etats-Unis (Drive), puis des coproductions avec la France (Only God Forgives, The Neon Demon), en Thaïlande et à Los Angeles. Très inspirée par Mean Streets et Meurtre d’un bookmaker chinois, mais aussi par les mauvaises fréquentions du cinéaste, la trilogie s’attache à des membres de la pègre (un protagoniste différent par film) pris dans un engrenage infernal, toujours frappés par l’atavisme, la malchance et les coups du sort, dans le monde violent et sans morale des trafiquants de drogue. Tournés avec l’énergie du désespoir, ces films adoptent une mise en scène hyperréaliste et révèlent une forme de brutalité inédite, capable de transformer des voyous abrutis en personnages de tragédie shakespearienne.

Les trois films (1996, 2004, 2005) ont été restaurés en 4K sous la supervision de Nicolas Winding Refn. Il s’agit d’une exclusivité mondiale. Ce beau coffret édité par The Jokers est garni de contenus éditoriaux très convaincants. Le livret est constitué de textes de critiques danois, plus un long entretien avec le cinéaste. Chaque film bénéficie d’une analyse de Philippe Rouyer. Enfin l’un des bonus est un vrai documentaire, Gambler, qui raconte les risques pris par NWR après sa faillite personnelle causée par le désastre commercial et critique de son troisième long métrage Fear X (Inside Job) tourné aux Etats-Unis en 2003. Le cinéaste décide avec son producteur de mettre en chantier deux suites à son premier film Pusher. Ce documentaire dans les coulisses de la production de Pusher 2 : Du sang sur les mains vaut tous les making of du monde.

 

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