ARTE met à l’honneur l’oeuvre de Philippe de Broca. Des débuts à l’orée des années 1960 jusqu’à son ultime long métrage Vipère au poing, inspiré du grinçant Hervé Bazin, cette carte du Tendre (et du moins tendre) se déploie sur quatre décennies, au fil d’un cycle en deux temps. Première salve à partir du 1er avril avec trois comédies sentimentales au parfum doux-amer : Le Cavaleur, L’Amant de cinq jours et Chère Louise. Seconde salve à partir du 1er mai avec Les Jeux de l’amour, Le Farceur, Un monsieur de compagnie et Les Caprices de Marie, plus L’Incorrigible et La Poudre d’escampette à l’antenne à la rentrée. Cette programmation s’écarte des sentiers balisés de ses grands succès pour montrer un visage moins attendu du cinéaste, à travers les films loufoques de ses débuts, souvent avec Jean-Pierre Cassel, ou des opus en demi-teinte laissant affleurer la gravité derrière la fantaisie.
Vipère au poing (2004)
Martyrisé comme ses frères par leur mère, la terrible « Folcoche » (subtile Catherine Frot), Jean entame une sourde rébellion. Pour ce qui sera son dernier film et grand succès, Philippe de Broca adapte et adoucit (un peu) l’autobiographie au vitriol d’Hervé Bazin.
Diffusion sur ARTE lundi 28 avril à 20h55
Disponible sur ARTE.tv jusqu’au 4 mai.
L’Amant de cinq jours, réalisé en 1961 est le troisième long métrage de Philippe de Broca. Le jeune cinéaste y prolonge sa collaboration avec Jean-Pierre Cassel, son alter ego cinématographique, ainsi qu’avec le compositeur Georges Delerue. Un ton mélancolique et un certain pessimisme distinguent le film des comédies espiègles qui firent la réputation de son auteur. Il est question dans L’Amant de cinq jours du conflit entre l’imaginaire et la réalité, une thématique centrale dans l’œuvre de Broca. Le film emprunte la forme du marivaudage et met en scène des personnages qui ne cessent de mentir en raison de leur double vie, pris dans le tourbillon d’une quête effrénée de plaisirs. Jean Seberg interprète magnifiquement une jeune mère de famille infidèle qui rêve d’une existence sans contrainte ni culpabilité. Ce portrait d’une femme libre à l’écoute de son propre désir frappe par sa modernité.
Chère Louise (1972)
À l’aube de la quarantaine, une enseignante, qui vit seule, s’éprend d’un jeune immigré italien. Ce film, l’un des moins vus de Broca avant sa récent restauration, connut un échec critique et public injuste qui découragea le cinéaste de s’engager dans des projets sans attaches avec sa verve comique. Avec une Jeanne Moreau souveraine, Chère Louise est un beau portrait de femme amoureuse. Un film très mélancolique, porté par la sublime composition de Georges Delerue.
Le Cavaleur (1979) compte parmi les films les plus personnels de Broca, qui met en scène un personnage masculin qui lui ressemble beaucoup. Edouard (Jean Rochefort) est un pianiste virtuose d’une cinquantaine d’années qui ne cesse de fuir la réalité, en perpétuel mouvement et partagé entre ses différentes femmes, épouses et maîtresses, passées, présentes et à venir. Cette instabilité sentimentale ne procure guère de satisfaction à Edouard, qui s’épuise dans une accumulation de mensonges et de déplacements, incapable de jouir du bonheur qui lui apporte sa seconde épouse et leurs enfants. A force de chercher la joie dans l’instant, Edouard prend le risque de tout perdre. Situé dans un contexte beaucoup plus réaliste que L’Homme de Rio ou Le Magnifique, Le Cavaleur permet à Broca de questionner le besoin irrépressible de ses personnages masculins de courir à l’aventure et d’écouter leurs envies. Le Cavaleur est une comédie douce-amère qui se déroule dans le milieu de la bourgeoisie française et brosse le portrait d’un homme qui refuse de vieillir, finalement autant étourdi par l’écoulement du temps que par la beauté féminine et les tentations de la chair. On en vient à se demander si Edouard, constamment interrompu par une nouvelle obligation, trouve le temps de consommer ses adultères. Broca signe le scénario avec Michel Audiard, dont les dialogues sont moins comiques et caricaturaux qu’à l’accoutumée. Le scénariste évite les mots d’auteur pour se couler dans l’atmosphère mélancolique du film. Jean Rochefort livre une interprétation subtile, sans jamais sombrer dans le cabotinage survolté qu’aurait pu laisser craindre ce personnage de cavaleur charmeur et désinvolte. Broca, qui s’inspire d’expériences vécues, n’élude pas la lâcheté et la goujaterie de son antihéros, si ses angoisses dissimulées sous son apparente légèreté. Il ne faut preuve d’aucune indulgence vis-à-vis d’un caractère qu’il connaît trop bien. Broca se révèle moins mortifère que son ami François Truffaut qui lui aussi avait évoqué son donjuanisme dans un film très intime, L’homme qui aimait les femmes (1977). Quand Bertrand Morane, double de Truffaut interprété par Charles Denner, entreprenait d’écrire ses mémoires, il choisissait d’abord comme titre « le cavaleur ». Broca s’en souviendra sans doute deux ans plus tard, pour un film qui aurait pu également s’intituler « l’art de la fugue », pour souligner sa musicalité.
Films disponibles dès maintenant sur ARTE.tv et jusqu’au 31 juillet.
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