Olivier Père

Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni

Premier long métrage en couleur de Michelangelo Antonioni, Le Désert rouge (Deserto rosso, 1964) est une œuvre clé dans sa filmographie, à la fois récapitulative et annonciatrice des films à venir. Il marque l’accomplissement de sa collaboration avec Monica Vitti, et l’ouverture vers des recherches plastiques sidérantes de sophistication. Déjà proches de la perfection dans ses premiers films, la composition du cadre et le travail sur la profondeur de champ s’enrichissent dans Le Désert rouge d’interventions audacieuses du cinéaste et de son directeur de la photographie, Carlo Di Palma, sur la couleur. Antonioni n’hésite pas à modifier les teintes des paysages et des constructions afin d’obtenir une texture d’images capable d’exprimer le malaise de sa protagoniste. Antonioni accorde ainsi à la couleur une valeur psychologique. De ce point de vue, Le Désert rouge refuse la moindre tentation picturale en abordant la couleur comme une matière en mouvement, un équivalent visuel du son ou de la musique, une invention purement cinématographique et profondément révolutionnaire. La partie expérimentale et électronique de la colonne sonore, confiée à Vittorio Gelmetti, souligne la dimension futuriste et même science-fictionnelle des intentions d’Antonioni, qui entend montrer la beauté monstrueuse, industrielle et artificielle du monde de demain associé au progrès et au remplacement de la nature. De nombreuses séquences semblent appartenir au film de SF qu’Antonioni ne réalisera jamais, et dont il rêvait encore dans Identification d’une femme. Le Désert rouge est impressionnant par la façon dont le cinéaste parvient à décrire un site urbain  – la ville moderne de Ravenne, en Émilie-Romagne – en même temps que le paysage mental tout aussi « mutant » de son anti-héroïne, et à enregistrer l’inadaptation au monde des êtres qui l’habitent, qui se réfugient dans la peur, l’immobilité ou la fuite. Le Désert rouge est, après L’avventura, la seconde étape décisive d’Antonioni vers un cinéma qui dépasse la narration classique et le réalisme pour parler du monde visible (la modernisation de la société italienne, la mutation de l’environnement et la pollution qui l’accompagne, la crise du couple) et invisible (la névrose du personnage incarné par Vitti) par des taches de couleurs ou des plans à la frontière de l’abstraction.

 

Le Désert rouge est disponible en édition prestige chez Carlotta, dans un combo DVD Blu-ray accompagné de plusieurs compléments.

Catégories : Actualités

Un commentaire

  1. Ben dit :

    Guiseppe De Santis, pas Pasquale.

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