Olivier Père

Identification d’une femme de Michelangelo Antonioni

Gaumont vient de sortir en Blu-ray, dans une collection dédiée au cinéma italien, Identification d’une femme (Identificazione di una donna, 1982) de Michelangelo Antonioni. Dernier chef-d’œuvre du cinéaste italien avant sa longue période de maladie, en écho lointain à son premier et magnifique long métrage, Chronique d’un amour (1950).

Tomas Milian

Tomas Milian

Nicolo (Tomas Milian), cinéaste en panne d’inspiration, rencontre deux jeune femmes qui deviennent ses maîtresses : Mavi (Daniela Silverio), une mystérieuse aristocrate puis Ida (Christine Boisson), une comédienne. La première disparaît subitement et Nicolo part à sa recherche en compagnie de la seconde. Antonioni revient avec ce film somme sur ses thèmes de prédilection comme l’absence et l’errance. Le scénario ressemble à une enquête policière dénuée d’action, dont la plupart des pistes n’aboutissent nulle part. On ne saura jamais qui est l’instigateur des menaces dont est victime Nicolo s’il continue de fréquenter Mavi. La tentative – avortée – d’identification ne se limite certes pas à retrouver Mavi ou même à éclaircir sa psychologie. Le cinéaste cherche avant tout à percer le secret de la jouissance de la jeune femme, et la révélation de sa bisexualité n’y apporte qu’une réponse superficielle. Le film marque l’aboutissement magnifique du travail formel d’Antonioni, notamment sur la mise en scène quasi picturale des paysages urbains (voir la fameuse scène de la route noyée de brouillard). Antonioni n’est pas seulement un des plus grands artistes de la modernité, c’est aussi un cinéaste de la contemporanéité et de la mode. Après le Londres de Blow Up et les États-Unis de Zabriskie Point, Identification d’une femme propose la radioscopie exacte de l’Italie des années 80, sinistre, violente et vulgaire. Autour de Tomas Milian rescapé du cinéma bis gravitent dans des rôles secondaires deux actrices remarquées dans les films d’horreur de Dario Argento ou Lucio Fulci, la nymphette Lara Wendel (Ténèbres, réalisé la même année qu’Identification d’une femme, et son versant « gore ») et Veronica Lazar (Inferno, L’Au-delà).

Daniela Silvero

Daniela Silverio

L’utilisation de rock planant et de comédiens empruntés au cinéma commercial témoigne de cette volonté de trivialité – Antonioni n’a jamais été très loin du « giallo » ou du roman photo – associée à l’intellectualisme du film, réponse aux Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes.

Tomas Milian et Christine Boisson

Tomas Milian et Christine Boisson

Dans la même collection on recommande chaudement Violence et Passion de Luchino Visconti, autre film génial et tardif d’un grand cinéaste italien.

https://www.arte.tv/sites/olivierpere/2012/06/13/violence-et-passion-de-luchino-visconti/

 

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Un commentaire

  1. Bertrand Marchal dit :

    J’ai vu ce film il y a quelques semaines; le premier Antonioni qui me plaît tout à fait depuis Profession Reporter.
    Plusieurs choses m’ont captivé au point, souvent, de faire des retours en arrière :
    Le jeu de Milian que je ne devinais pas si bon acteur.
    La structure organique, erratique du récit qui épouse les soubresauts de l’existence de cet homme, accompagnant ses rencontres, ses hésitations, et réussissant à les fondre dans un tout qui a l’apparence désordonnée de la vie
    Et puis les actrices ! nues souvent, et si peu utilisées par le cinéma avant ou après, ou si mal.

    Je revoyais hier Signs de M.Shyamalan, et je suis abasourdi d’abord par la bêtise du propos et la médiocrité, ou l’absence plutôt, de direction d’acteur, mais surtout, par comparaison, refroidi par une coquille si bien structurée et conçue intellectuellement qu’il oublie de la remplir et qu’elle perd absolument tout élan vital qui, précisément chez Antonioni, vient de la divagation, l’errance géographique (on y change beaucoup de lieux), qui accompagne l’errance psychologique.

    Et pourtant M. Shyamalan a aussi , parfois, du talent, mais sa conception du cinéma est radicalement différente – elle est , au fond très américaine: l’intrigue d’abord, une histoire facile a comprendre et à raconter, de celles qui doivent séduire le plus large public (et parfois, je le reconnais, j’en fait aussi partie!)

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