Fenêtre sur cour (Rear Window, 1954) de Alfred Hitchcock avec James Stewart et Grace Kelly est l’un des films les plus célèbres, les plus géniaux et les plus populaires du grand cinéaste anglais et de sa période hollywoodienne. Il est diffusé ce soir à 20h45 sur ARTE dans le cadre du cycle dédié au Maître du suspense. Un photographe immobilisé dans son appartement de Greenwich Village, la jambe fracturée après un accident, passe ses journées à observer au téléobjectif les habitants de l’immeuble d’en face. Le comportement d’un de ses voisins éveille ses soupçons et il a bientôt la certitude d’avoir été témoin d’un assassinat. Fenêtre sur cour marque l’aboutissement des recherches d’Hitchcock sur le huis-clos, « la concentration théâtrale », après La Corde (Rope, 1948) tourné en plan-séquence dans un décor unique et Le crime était presque parfait (Dial M for Murder, 1954), dans lequel le procédé 3D (on parlait encore à l’époque de « relief ») était le moyen paradoxal d’exacerber la dimension théâtrale de son film avec un jeu permanent sur la profondeur de champ, amplifiée dans le dessein de recréer l’espace scénique des planches. Ici l’action est concentrée dans l’espace autarcique d’une cour d’immeuble vu d’un petit appartement, le tout reconstitué en studio avec un soin maniaque. Le film est célèbre parce qu’il explicite le voyeurisme ontologique du spectacle cinématographique. Dans Fenêtre sur cour, sans doute le plus parfait des films à suspense du cinéaste, une perversion cache une névrose. La mauvaise pulsion du personnage interprété par James Stewart est motivée par son désœuvrement, son impuissance temporaire, mais constitue aussi un dérivatif à l’angoisse du mariage (sa fiancée Grace Kelly veut lui mettre la corde au cou.) Il n’est pas innocent que le spectacle secret offert par les voisins propose diverses déclinaisons, grotesques, pathétiques, aliénantes de la conjugalité, et que le meurtrier a tué son épouse. Un chef-d’œuvre à revoir en couple ou une jambe dans le plâtre, un huis-clos magistral sur le cinéma et la place du spectateur.
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