Fais le mort !

Chaque soir avant d'aller se coucher, chaque matin au moment de se lever et avant chaque repas, Matthew Lancit suit le même rituel : il prélève une goutte de sang de son index pour vérifier son taux de glycémie, puis il s'injecte de l'insuline. Le carnet pour les diabétiques qu'il utilise comme support médical pourrait aussi faire office de journal intime tant y est consigné son vécu. Cette idée a poussé ce réalisateur canadien installé en France à filmer un processus fondamental pour sa santé dans un quotidien hypercalibré. Puis, il a élargi le dispositif et, depuis cinq ans, il chronique sa maladie invisible dans un journal vidéo. Il documente ainsi sa vie en mettant en scène ses relations avec sa compagne et ses deux filles.

Corps à gore
Comment rendre visible ce dérèglement perturbateur qui consume la santé des malades jour après jour ? Comment capter la douleur, les démangeaisons, les hallucinations ? Faisant du diabète un "intrus de l’intérieur" toujours présent qui ne hante pas seulement les tréfonds de son corps, mais aussi son espace privé et familial, Matthew Lancit a construit un dispositif cinématographique par lequel il entrelace le gore, l'humour noir, le documentaire et l'art de la performance. Influencé par son compatriote David Cronenberg, il expérimente les effets visuels, le latex, le maquillage et met en scène son corps transformé, assiégé, occupé avec l’aide de ses chérubines si futées. Fais le mort ! est une invocation à jouer de, avec et contre le spectre de la mort, en exagérant le jeu pour rire de l'emprise de son ombre. Capturant la frayeur sous-jacente de la vie attaquée par une maladie chronique, le film devient la métaphore de cette menace de mortalité précoce qui nous hante tous.