À l’avenir, les produits comme le Roundup porteront donc le logo de la marque allemande et non plus américaine. Objectifs pour Bayer : renforcer sa présence dans ses deux secteurs-clés, mais aussi rompre avec la mauvaise image associée à Monsanto. Car depuis sa création en 1901, la firme américaine enchaîne les scandales : les PCB, isolants électriques interdits en France depuis 1987, l'agent orange, l'aspartame, les OGM et maintenant le glyphosate, un produit phytosanitaire accusé d’être cancérigène. En 2007, Monsanto a été condamné par la justice française à indemniser Paul François, un agriculteur contaminé à l’herbicide du Lasso. Mais dix ans plus tard, la procédure court toujours et la victime n’a pas reçu un centime de dommages et intérêts. En octobre 2016, un tribunal international citoyen réunissant agriculteurs, scientifiques et activistes a jugé le géant agrochimique coupable d’écocide. Mais la multinationale aux 169 millions de dollars de bénéfices annuels est aussi le numéro 1 mondial des semences, un marché que Bayer rêve depuis longtemps de dominer.
Bayer devient le leader de l’agrochimie
Pour racheter son concurrent, Bayer a déboursé 63 milliards de dollars, soit environ 54 milliards d’euros. C'est l’acquisition la plus importante jamais réalisée par un groupe allemand. Il aura fallu des mois de tractations et plusieurs surenchères pour parvenir à un montant jugé, au final, exorbitant. Selon les experts, l’entreprise américaine n’en valait pas tant. “Pour convaincre les actionnaires de vendre leurs parts d'une société cotée, l’acquéreur doit généralement proposer un prix bien supérieur à la valeur de son dernier cours en bourse, explique Stéphane Bénézant, avocat spécialisé en droit de la concurrence.“Cela va nous permettre d'associer nos savoir-faire à ceux de Monsanto”, justifie le président de Bayer France. Le leader met notamment la main sur les semences, les engrais et les OGM de Monsanto et espère ainsi répondre “aux besoins alimentaires et aux défis environnementaux des agriculteurs du monde entier”.
Pour éviter les risques de monopole, la vente a été soumise à l’accord de trente autorités nationales de la concurrence. Parmi elles, celles de Bruxelles et Washington ont imposé des conditions : Bayer devait vendre 7,7 milliards d’euros d’actifs à son concurrent allemand BASF. Il devait notamment lui léguer son herbicide Liberty et certaines de ses activités de semences. Grâce à l’opération finalisée début août, la nouvelle entité devrait bientôt cumuler un chiffre d'affaires de 45 milliards d’euros. De quoi s’affirmer dans un monde de la chimie en pleine concentration : en 2016, l’entreprise suisse Syngenta s’est mariée au Chinois ChemChina et les deux leaders américains DuPont et Dow Chemical ont aussi fusionné. À eux trois, les géants détiennent désormais plus de 50 % du marché mondial de l'agrochimie.